Become an hero
Il est 2h30 et je ne vais pas tarder à aller dormir. En passant devant ma machine à laver, la mémoire me revient: j’ai du linge à sortir. Tiens, la porte ne s’ouvre pas. Je tire un peu plus fort: rien à faire. Je scrute la notice, elle préconise d’attendre 2 minutes après la fin du programme… mais celui-ci devrait déjà être fini depuis longtemps. J’éteins la machine, je parviens à ouvrir la porte, je plonge la main dans le linge… floc, floc, la vidange n’a pas été faite, il y a encore plein d’eau. Nouveau coup d’oeil à la notice, il y aurait un filtre possiblement obstrué. Ouverture du panneau frontal, dévissage du loquet, merde ça coule, vite on recueille dans le panneau frontal, ah la vache y’en a beaucoup ! Revissage, vidange du panneau, dévissage, remplissage, revissage, vidange, je regarde le temps passer, 3h15, super, je suis pas encore couché… Au bout d’une douzaine de vidanges le tuyau est enfin vide et je peux jeter un coup d’oeil au filtre, en effet c’est un vrai bordel là-dedans, je comprends mieux. Je nettoie le filtre, le remets en place et je me dirige vers la salle de bains où je me brosse consciencieusement les dents.
Mais ça sent le brûlé.
Je reviens vers la machine à laver, c’est quand même pas ce qui obstruait le filtre qui aurait pris un coup de chaud ? Non, c’est pas ça, et en plus ça commence vraiment à sentir dans tout mon appartement maintenant. Je sors sur le palier, rien, pas d’odeur, j’ouvre les fenêtres histoire d’aérer un peu, et là c’est pire: l’odeur vient de dehors. Plus précisément, l’odeur semble venir de la cuisine de mes voisins, dont la fenêtre jouxte celle de ma salle de bains. Je passe la tête par l’ouverture, me penche en avant, snif, snif ha oui, ça pue là, ça vient réellement de la cuisine du voisin.
Bon, il est 4h du matin quand même, c’est peut-être juste une casserolle de raviolis qui a brûlé dans la soirée, si je les réveille pour ça… d’un autre côté si ça a cramé y’a plus de six heures ça ne devrait plus puer comme ça… Je ne vois aucune fumée sortir nulle part mais l’odeur devient de plus en plus forte. Je sors de nouveau sur le palier et je commence à sonner. Puis je frappe. Puis je tambourine. Aucune réponse. Remarque, je ne les ai pas entendu discuter ce soir. Ils seraient absents ? Je re-sonne, re-frappe et re-tambourine, toujours pas de réaction. Je reviens chez moi et l’odeur est plus présente encore: je ne sais plus quoi faire, si je n’ouvre pas les fenêtres l’odeur reste, si je les ouvre l’odeur empire ! En désespoir de cause, je prends mon téléphone et, pour la première fois de ma vie, je compose le 18.
“Vous avez appellé les Sapeurs-Pompiers. Nous recevons un grand nombre d’appels, ne quittez pas !” Je ne quitte pas, mais au bout de 30 secondes je me fais raccrocher au nez. Youpi. Je retourne sonner et frapper. Rien. Tant pis, je refais le 18. “Vous avez appellé les Sapeurs-Pompiers. Nous recevons un grand nombre d’appels, ne quittez pas !” Je ne quitte toujours pas, et cette fois quelqu’un décroche et une voix se fait entendre. “Vous voyez de la fumée ?” J’explique que non. “La porte de vos voisins est-elle chaude ?” Non plus. Je commence à me dire que je leur fais perdre leur temps, que c’est trois fois rien et qu’ils vont me rembarrer, mais non, le pompier au téléphone me dit qu’il envoie quelqu’un. Je me perche à la fenêtre et je les attends.
Je pensais voir arriver une voiture, c’est un camion avec lances et grande échelle qui débarque. Finalement, mon cas n’est peut-être pas si ridicule… Ils sont cinq ou six, je descends les accueillir et leur fais constater l’odeur persistante dans mon appartement. Le type manifestement le plus gradé remonte jusqu’à la fenêtre de la cuisine des voisins et l’identifie comme source de l’odeur. Il décide de réessayer de frapper à la porte. Pendant ce temps un autre pompier monte à l’étage pour vérifier si rien ne brûle là-haut. Après cinq bonnes minutes à tambouriner à la porte la voisine ouvre. Elle est seule, son mari n’est pas là. Elle est, comme son mari, originaire d’un pays de l’Est et ne parle pas très bien français; le capitaine des pompiers lui demande si elle va bien. Elle a l’air plus surprise par la présence de ces gaillards dans son petit appartement que par l’odeur intenable qui émane de sa cuisine. Verdict: elle avait décidé de se faire une tisane vers 2 heures du matin, mais s’était endormie alors que l’eau chauffait. Sa casserolle chauffée à blanc n’en pouvait plus. Je me sens un peu honteux d’avoir dérangé les pompiers pour un truc aussi banal, je m’en excuse auprès du capitaine.
“Au contraire”, me dit-il. “si vous n’aviez pas appellé elle aurait pu s’intoxiquer avec la fumée pendant son sommeil, et ça aurait pu être très grave. Quelque part, vous lui avez peut-être sauvé la vie.”
4h30 du matin, les pompiers repartent après avoir rapidement ausculté ma voisine. Je ne suis plus à 20 minutes près, je tape ces quelques paragraphes. C’est quand même pas tous les jours que je “sauve une vie sans le faire exprès” grace au filtre bouché de ma machine à laver.
Commentaire de Ravana
29/2/2008 @ 5:20
bon réflexe, chapeau.
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