Hélène et les Garçons, une formidable réflexion sur la condition adolescente
Série-phare des années 90, véritable chef-d’oeuvre du duo Azoulay-Berda et pierre angulaire d’une mythologie aux multiples ramifications, “Hélène et les garçons” est plus qu’un sitcom: c’est un phénomène, et un observatoire des moeurs adolescentes comme il n’en avait jamais existé auparavant et une exceptionnelle étude sociologique que Bourdieu n’aurait pas reniée, c’est moi qui vous le dis.
Difficile de ne pas s’incliner devant la narration extrêmement travaillée: le titre, tout d’abord, met en place les différents éléments d’une manière fort habile. On devine en effet aisément que l’héroïne de ces aventures est “Hélène”, soeur de Justine et fille de Roger Girard, lui-même beau-frère de Framboisier le chanteur des Musclés, célèbre groupe folklorique télévisuel. Malgré ce lourd héritage, Hélène parvient jusqu’à l’Université où elle poursuit des études d’une matière restant à définir mais qui est probablement littéraire vu le temps qu’elle passe à ne rien branler de ses journées et à glander à la Cafeteria avec ses copines et un groupe de jeunes musiciens en devenir, “les garçons”. Si ce n’est pas un titre qui vous pose une intrigue, je ne sais pas ce qu’il vous faut.
Les garçons ont manifestement un problème avec leur apprentissage musical: ils ne savent répéter que des fins des morceau. Dès que la caméra se pose sur eux, ils sont immédiatement obligés de s’arrèter, c’est la raison pour laquelle en plusieurs années de pratique on ne les verra jamais effectuer une seule performance en public, ni enregistrer un album, ni même tenter d’obtenir ne serait-ce qu’un début de démo. C’est aussi la raison pour laquelle la vraie héroïne est Hélène et pas eux, c’est d’ailleurs elle qui obtiendra des entretiens avec le producteur Thomas Favar qui veut en faire une chanteuse, ou tout du moins c’est ce qu’il prétendra.
Puisque le sujet de la série est l’étude analytique des interactions sociétales entre deux groupes d’adolescents de sexe opposé, et non pas une vulgaire tournante dans un garage après une énergique fin de morceau, Hélène n’est pas seule face aux garçons: un groupe de filles l’accompagne. Au départ, elles ne sont que deux: Johanna et Cathy, puis finalement Cathy est considérée comme trop mièvre et pas assez représentative des jeunes filles de son époque, elle sera donc remplacée par Laly qui est la personnification absolue de la pétasse imbuvable. Prétentieuse, caractérielle, jalouse mais n’hésitant pas à loucher sur les autres mecs, elle devient en quelques épisodes le centre d’intérêt de la série tandis qu’Hélène, niaise et sans personnalité, passe en retrait malgré le charisme de son boyfriend attitré (qui lui sera quasiment toujours fidèle le temps de la série): Nicolas, interprèté brillament par Patrick Puydebat, sémillant jeune homme aux cheveux mi-longs à qui j’aurais tant aimé ressembler.
Le boyfriend de Johanna l’américaine, c’est Cri-Cri d’Amour mais Cri-Cri a un fort problème existentiel: il est petit et con (les deux ne sont pas liés) et est à l’amour ce que la levrette claquée sans préliminaires est au romantisme. Il est petit parce qu’il est né comme ça, pourtant il ne partage aucun gène avec Bernard Minet (bizarre que le tandem magique Azoulay-Berda n’ait pas pensé à ça), mais surtout il est con parce qu’il a la girlfriend la plus cool du lot, à mille lieues d’Hélène l’invisible et de Laly la pute, mais qu’il va la tromper comme un gros connard et à de nombreuses reprises. Ah et il va se droguer aussi, on ne sait pas trop comment mais la drogue étant un véritable fléau il était important que les jeunes générations entendent le message: jeune, si tu te drogues, tu coucheras avec des américaines mais tu ne sauras pas mieux jouer de la batterie. M’est avis que le message aura été entendu vu la drastique augmentation de la consommation de drogues dures chez les jeunes ces dernières années, démontrant s’il le fallait encore un peu plus le caractère engagé de cette oeuvre pionnière dans la lutte contre les percussions.
Au fur et à mesure des pérégrinations de nos amis, de nouveaux personnages viendront se greffer au petit groupe. Chez les filles, il s’agira majoritairement de grosses salopes cherchant à coucher avec tous les mecs du groupe. Chez les garçons, il s’agira de types rencontrés lors d’une réunion de groupe visant à discuter de ce problème de fin de morceaux, puisqu’aucun nouvel arrivant ne saura jouer des débuts non plus. La personnalité des différents protagonistes, même les seconds rôles, n’est jamais mise en défaut: lorsque Nathalie, considérée comme la méchante de service, devient subitement gentille, elle se fait violer. Quand on dévie un brin de ses convictions, voilà ce qui arrive, c’est bien fait pour elle tout le monde en conviendra. Pourtant, les problèmes de drogue et de viol, c’est bien rigolo, mais ce n’est tout de même pas le plus intéressant dans l’histoire car le véritable message de “Hélène et les garçons”, et oui il y en a un et là je coupe l’herbe sous le pied de ses plus ardents détracteurs, le véritable message disais-je n’est pas là.
Non, ce que Jean-Luc Azoulay et Claude Berda ont voulu faire comprendre à la jeunesse, c’est qu’au sein d’un groupe d’amis la mixité est importante. Non pas la mixité des origines puisqu’il n’y a aucun noir ni aucun arabe dans la série, ça va pas non il est pas bien lui, on a déjà un portugais qui s’appelle José ça suffira bien. Non, c’est la mixité des relations sexuelles qui importe, puisque la plupart des personnages aura essayé de coucher avec au moins la moitié du cast du sexe opposé, que des couples se font et se défont au sein d’un cercle d’amis finalement assez restreint, mais que tout ceci ne semble poser de problème à personne: la libération sexuelle, voilà le véritable sujet de la série, et c’est un message fort adressé à une jeunesse en perdition face à des clowneries comme le VIH qui volait un peu trop la vedette aux bonnes vieilles partouzes durant cette fin des années 90.
Alors merci AB, merci Hélène, merci Patrick Puydebat, d’avoir fait de moi l’amateur de gang-bangs que je suis.
(Critique initialement publiée sur SensCritique, si vous n’avez pas encore eu d’invitation c’est dommage pour vous parce que ça y est, je n’en ai plus en rab)
Commentaire de Alexleserveur
5/5/2010 @ 0:05
Je bande.