Pochtron, tu f’rais mieux d’m’écrire une chanson
(Lettre ouverte à Renaud Séchan)
Je ne sais plus quand j’ai commencé à t’écouter, j’étais jeune pour sûr, je devais avoir même pas 7 ou 8 ans, mais elles me faisaient marrer tes chansons. Bien sûr je ne comprenais pas vraiment les paroles, et toutes n’étaient pas marrantes, mais Mon HLM, Marche à l’Ombre, Baby-Sitting Blues ou Le Retour de la Pépette, quelle poilade.
Avec les années, et le recul, j’ai appris à faire plus attention aux textes, à en saisir la tonalité dramatique aussi, et les titres qui me paraissaient moins accessibles prirent toute leur véritable portée. Bouleversants, émouvants, attendrissants, des morceaux comme Baston, Manu, Pierrot, tous plus formidables les uns que les autres, tous porteurs d’un message, souvent positif, vecteurs d’amitié, de compassion, de tendresse.
Lorsque j’ai découvert Le Sirop de la Rue, incroyable pépite d’un album injustement mésestimé, ce fut un immense choc. Je n’avais rien vécu de tout ce qui est raconté, et tout à la fois. Cette chanson est une véritable ôde aux gamins ayant grandi en ville, à ceux qui sont partis au bord de la mer les étés, elle est intemporelle, dansante, joyeuse, entraînante, et pourtant se termine sur une note sombre en contrepoint total du reste du texte. Tu y parles de tes souvenirs, mais tu en profites pour balancer quelques-unes de tes principales inquiétudes, en remettre une couche sur tous ces “connards” que tu adores détester. Et en t’écoutant, je ris, je pleure, je m’identifie. Je vis.
Je t’ai vu en concert une fois, une seule. C’était le 24 novembre 1999, lors de la tournée “Une guitare, un piano, et Renaud”, mes parents avaient entendu que tu allais passer à côté de Poitiers, dans une toute petite salle, et avaient eu la gentillesse de m’offrir une place. Je m’en voulais de n’avoir pas suivi ton actualité, j’ignorais simplement qu’à cette époque il n’y en avait pas. J’ignorais donc tout des motivations derrière cette tournée, de tes problèmes d’alcool, de tes difficultés à écrire. Dans la salle tout le monde t’adorait. Tout le monde connaissait la moindre parole de n’importe laquelle de tes chansons. Tu nous as beaucoup parlé, de toi, de tes copains. De ton futur album, qui arriverait un jour, peut-être. Tu n’étais pas à ton meilleur, et pourtant ce fut l’un des concerts les plus marquants de mon existence, parce que jamais auparavant, et jamais par la suite je n’ai ressenti cette connexion entre un artiste et son public. Tu la ressentais toi-même.
Lorsque Boucan d’Enfer est sorti je ne l’ai pas beaucoup aimé. En particulier Manhattan-Kaboul, un morceau beaucoup trop lisse, trop gentillet, trop mièvre pour toi qui n’hésitais jamais par le passé à dénoncer ces excès vomitifs de bons sentiments. Un morceau beaucoup trop formaté pour la bande FM qui l’a diffusé jusqu’à l’écoeurement. Un morceau que je déteste désormais viscéralement. La tournée qui a suivi, je m’en suis senti curieusement étranger. Tous ces gens qui parlaient de toi avec des mots élogieux, où étaient-ils alors que tu étais au fond du gouffre ? Ils me faisaient penser à ces faux “amis” qui te tournent autour lorsque tu es au top, mais oublient étrangement de te rappeller lorsque les choses tournent mal.
Rouge Sang m’a interloqué, et je me suis surpris à vouloir ne pas l’aimer, un petit peu d’élitisme mal placé peut-être, pourtant j’ai fini par beaucoup l’apprécier même s’il n’a plus le punch de tes anciens albums. Tu n’as pas perdu ton verbe incisif, tu n’as pas perdu ton talent. La voix n’est plus là, et alors ? Ce n’est pas ce que ton public te demande. Ton vrai public. Celui qui t’aime, et qui t’aimera toujours même si tu n’écris plus beaucoup. Même si tu sors une douzaine de mauvais albums.
Ton public comme ce petit garçon qui vit toujours en moi, quelque part (pour vivre heureux, il vit caché), qui est ému aux larmes en lisant que tu sembles baisser les bras.
S’il te plaît mec, te jette pas. Ou jette-toi avec nous.
Commentaire de Loni
13/11/2011 @ 15:53
Je dois avoir la même relation que toi avec lui : j’ai son intégrale sur mon iPod, que j’écoute régulièrement (D’autant plus maintenant que je comprends tout). Par contre, je n’ai jamais écouté Rouge Sang, persuadé d’avance que c’était moins bien. Je vais peut-être m’y mettre.