Coachella 2015 – Day 1
Le grand jour est arrivé. Levés péniblement, nous allons jeter un coup d’œil du côté des douches pour y trouver une file d’attente interminable. Puisque nous avons le temps avant l’ouverture du festival à 11h, nous décidons de faire preuve de patience, et la progression se fait finalement plus rapide que prévu. Les douches sont dans de gigantesques remorques et chacune de celles-ci contient entre 6 et 8 cabines. Le principal défaut vient de la pression de l’eau mais on ne va pas faire la fine bouche quand depuis 24 heures on fait ses besoins dans ce genre de choses :
Propres comme un sou neuf, nous nous pressons dès 10h55 devant l’entrée… et rien. Le festival reste fermé dix, vingt, trente minutes. Pour des raisons encore mystérieuses (à priori un manque de staff côté sécu, alors qu’il n’y avait quand même pas foule) les portes n’ouvriront qu’à 11h40. Bonne ambiance quand on sait que le premier concert, celui d’Alchemy sur la deuxième plus grosses scène du festival, se terminait à 11h45… toujours sympa pour ceux qui voulaient les voir, et pour le groupe lui-même. Une fois la sécurité franchie, nous arrivons enfin sur le site, et c’est la première claque : c’est magnifique. Une immense étendue verte, des scènes bien séparées, des espaces clairement délimités… et toujours ces conneries de Beer Gardens. J’en avais déjà parlé dans ma review de FYF 2013, il faut en effet impérativement se présenter à une tente ID Check pour voir sa pièce d’identité scrutée sous tous les angles et récupérer un bracelet prouvant que l’on est en âge de boire de l’alcool, sujet extrêmement surveillé aux USA. J’ai pu voir devant moi un jeune se faire confisquer son fake ID et il fut loin d’être le seul si l’on en croit cet article foufou de TMZ. Une fois en possession du précieux sésame, on a accès aux Beer Gardens, espaces réservés séparés du reste du site et seuls endroits où il est possible de boire de l’alcool. Impossible d’en sortir un verre à la main, et c’est comme ça dans tous les festivals des USA. Fort heureusement les Gardens de Coachella avaient la bonne idée d’être plus nombreux qu’à FYF, et aussi mieux placés : il était possible d’assister à quasiment tous les concerts depuis l’un d’entre eux (ce qui était loin d’être le cas à FYF…) même si évidemment on n’y risque pas d’être dans les premiers rangs devant la scène…
C’est un peu triste pour les premiers groupes du jour, mais nous sommes plus excités par l’idée de faire le tour du site et en explorer les moindres recoins dans un premier lieu. Objectif inavouable: trouver les toilettes qui nous serviront durant le reste du séjour, celles du camping étant depuis la veille déclarées zones sinistrées. Cette année, l’orga ne s’est pas privé de signaler qu’elle avait fait construire de vrais WC en dur sur le site et elle n’a pas menti. De la vraie faïence ! Des vraies pissotières ! Évidemment cette construction n’est pas isolée et des “porta potty” complètent le dispositif, mais la palme revient à ces remorques de camion tout au fond des longues rangées de toilettes de plastique vert, remorques dans lesquelles personne n’ose aller pour une raison qui m’échappe – ou alors juste la flemme de marcher jusqu’à elles – alors qu’elles disposent, non seulement de vrais WC mais aussi, ultime raffinement, de portes en bois. Je décide d’annexer l’une de celles-ci pour la totalité du festival, et ne manquerai jamais à cette règle. Ne comptez pas sur moi pour vous dire où elle est, je compte bien en reprendre possession l’année prochaine. Climatisée, renouvellée en papier et propre durant les trois jours, celle-ci méritait bien que je consacre un paragraphe entier au sujet. Le caca, c’est IMPORTANT.
Deuxième emplacement stratégique, le Craft Beer Barn. J’en vois déjà deux ou trois qui ricanent dans le fond, mais depuis une dizaine d’années maintenant le marché de la bière a subi une profonde mutation aux États-Unis et les variétés disponibles ont largement dépassé les bêtes et dégueulasses Budweiser, Coors ou Heineken. Les brasseries et micro-brasseries sont désormais légion et on en compte près d’une cinquantaine rien que pour Los Angeles et ses alentours. Tous les types sont représentés, Lager, Pils, IPA, Porter, Weissbier, il y en a pour tous les goûts et certaines peuvent sans honte trôner aux côtés de crus allemands ou belges (j’ai pas peur de le dire, je suis comme ça moi j’suis un ouf). Dans le Barn, une cinquantaine de variétés sont disponibles à la pression et la pinte se négocie à $11, ce qui peut paraître cher surtout de nos jours où $1 = 1 Euro mais quand on sait que la pisse Heineken est à $10 ça fait relativiser. Ultime raffinement, le site du Craft Beer Barn héberge aussi les meilleurs restaurants du festival hors zone VIP : la fameuse pizzeria 800 Degrees (une des meilleures de Los Angeles), le Beer Belly (et sa spécialité du Death By Duck, fantastique), et enfin les délicieux sandwiches du Eureka Burger et du Top Round Roast Beef. Le Craft Beer Barn proposant aussi du wifi offert par Twitter (tombant sous la charge dès que la fréquentation se faisait un peu dense) et des prises électriques pour recharger son smartphone, il devint de facto un emplacement stratégique.
Les chiottes, la bière et la bouffe, c’est bien beau tout ça, et si on parlait musique ? Le premier groupe que nous allons voir sérieusement est Reverend Horton Heat, c’est festif, bon enfant, le public semble apprécier, et lorsque les premières notes du “Psychobilly Freakout” retentissent, je tombe par terre. Ce sera d’ailleurs l’un des leitmotiv du festival, ce moment intense de surprise doublé de honte lorsque l’on se dit PUTAIN MAIS JE CONNAIS ÇA EN FAIT et qu’on a raté la moitié du set d’un artiste qu’en fait on adore, et c’est arrivé non pas une ni deux mais bien une demie-douzaine de fois…
Nous passons ensuite rapidement du côté de Cloud Nothings et leur rock lo-fi est sympathique mais ne nous accroche pas plus que ça, du coup direction la scène principale pour voir ce que donne Action Bronson en live. Initialement chef cuistot réputé de NYC, ce dernier se tourna vers le rap et en fit sa carrière principale en 2011 après s’être cassé la jambe dans une cuisine. Parlant souvent de nourriture dans ses textes, son flow est souvent comparé à celui de Ghostface Killah du Wu-Tang Clan et pourtant, en live, nous restons quelque peu sceptiques et pas franchement convaincus. Nous regrettons d’autant plus l’annulation en catastrophe de George Ezra, ses chansons douces-sucrées seraient passées comme un bonbon en cet après-midi, alors que tout le monde se prépare doucement à une soirée s’annonçant épique.
Sur la scène principale, Bronson a laissé la place à Charles Bradley and his Extraordinaires pour un set festif débordant de générosité. À 66 ans bien tapés, Bradley livre une performance bourrée de cœur et son funk fait mouche, malgré une chaleur à son maximum, le public danse et apprécie le cadeau à sa juste valeur.
Intrigué par Angus & Julia Stone dont je ne connaissais que “Big Jet Plane”, je trouve leur set soporifique et file voir les deux derniers morceaux de la prestation de Kimbra qui, selon les autres personnes présentes, était solide. Damned, mes choix n’ont pas été des plus judicieux. Du coup, pause bière, parce que le soleil tape, parce que mine de rien on marche comme des cons dans tous les sens depuis des heures, et parce qu’on a soif, tout bêtement. En parlant de soif, il me paraît utile de signaler que des fontaines de ravitaillement d’eau potable gratuite sont disponibles et que les bouteilles vides à l’entrée ne sont pas confisquées, y compris leur bouchon. Si vous avez déjà fait Rock en Seine et vous êtes fait sucrer votre bouchon de bouteille d’eau à l’entrée, vous comprendrez pourquoi j’en parle.
Nous filons donc ensuite voir Alabama Shakes, qui livre une prestation fort convaincante même si à la surprise générale ils se permettent de ne pas jouer leur morceau le plus connu, le célèbre “Hold On”. Je plaisantais sur Twitter l’autre jour en disant que le top 5 des mots que personne ne veut jamais entendre en concert était:
- this
- is
- a
- new
- song
Eh bien on est un peu dans le même cas de figure, le groupe a six ans, est à l’affiche d’un des, si ce n’est du plus gros festival US, et ne joue pas son single le plus connu, pour ne pas dire son unique single un peu connu. Une décision assez incompréhensible, parce que du coup malgré la grande qualité de leur set, tous les gens avec qui j’en ai reparlé sont repartis un peu déçus pour cette raison, et c’est la principale chose qu’ils ont retenue. Dommage.
Mais entre temps, Interpol a fait son entrée sur la scène principale pour une performance solide, du niveau de celle fournie l’année précédente à FYF. Les hits s’enchaînent, gros moment de communion avec la foule lors de “Evil”, et si la voix de Paul Banks semble un peu plus aiguë que d’habitude, j’oublie sans trop de regrets que je suis en train de rater Lykke Li, programmée exactement en même temps que le quatuor de NYC. Cette soirée du vendredi est en effet plombée par des conflits douloureux, alors que l’après-midi était franchement calme de ce point de vue. Un peu plus tard il me faudra faire un autre choix difficile entre Tame Impala et Todd Terje mais ayant déjà vu ce dernier à FYF ce sont les australiens qui remportent mon vote.
Très bon set et excellente ambiance, tout le monde est chaud et paré à voir AC/DC, personne ne bougera d’un pouce après Tame Impala et tant pis pour Squarepusher, ultime décision douloureuse d’une soirée qui n’en aura pas manqué. La foule s’agglutine, la nuit est tombée depuis un moment et une brise légère souffle, et puis ils arrivent sur scène et l’ambiance s’embrase, tout le monde oublie leur âge, Angus Young est comme d’hab déguisé en écolier et Brian Johnson porte son habituel bérêt, les hits s’enchaînent, le public est en délire, et les moments de bravoure s’accumulent. Véritable muraille d’enceintes, poupée gonflable géante, canons, le show est spectaculaire et jouissif. À 60 piges, les braves fous furieux continuent d’électriser la foule (see what I did there?) sans aucune difficulté. Une performance magistrale qui renvoie à la garderie nombre de petits jeunes.
Fourbu mais heureux, je rentre à notre campement et bénis les cieux de n’avoir que cinq minutes à marcher depuis la sortie pour retrouver un confortable canapé fut-il gonflable. Je n’ai plus de pieds et plus de jambes, un peu comme Angus Young qui, rampant sur scène, finira les genoux en sang. Au camping, les différents sound systems se font entendre encore un moment, l’extinction des feux officielle se faisant vers 3h du matin. Chacun échange anecdotes et meilleurs souvenirs de la journée, tout le monde semble crevé, et pourtant la terrifiante journée du Samedi, qui s’annonce la plus chargée, arrive. Écroulé dans mon sac de couchage, je trouve le sommeil en quelques minutes seulement. Vivement demain.
Commentaire de Adri
22/4/2015 @ 9:04
Hé ! Reste cool avec la Heineken !