Well done Mike
Michael Moore a donc remporté la Palme d’Or à Cannes. Chapeau à lui. Maintenant, il est amusant de lire de-ci de-là les grognements de mécontents qui, sans oser le dire, conspuent les choix du jury présidé par Quentin Tarantino.
Par exemple cet article, tiré du torchon 20 Minutes. Oui, j’ai un peu de mal à appeller un truc financé à 100% par la pub et qui rédige des articles conjoitement avec Actustar un “journal”.
Je cite :
On ne contestera pas non plus au jury le droit de considérer Fahrenheit 9/11 comme « un film exceptionnel », au point d’en faire sa Palme d’Or. Cette démonstration anti-Bush est brillante et jubilatoire, à n’en pas douter.
Ah. On ne contestera donc pas ce droit, hein ? C’est un choix réfléchi, légitime, toussa. Sauf qu’ensuite, dans le même article, on lit ça :
Les plus soupçonneux auront remarqué, cependant, que Michael Moore et Tarentino ont le même producteur, en la personne d’Harvey Weinstein, patron de Miramax et fervent supporter du parti démocrate.
Et ? C’est quoi le rapport avec la choucroute ? Ah mais, le gratte-papier de 20 Minutes remet en cause l’indépendance du jury, là, non ? Mince, moi qui pensais que ce choix n’était pas contestable ? Ça continue dans la finesse :
Au risque d’être accusé de mauvaise foi, voire de perfidie, on pourrait aussi souligner que la présence des trois films français au palmarès s’apparente fort à une leçon de courtoisie vis-à-vis d’un pays auquel Tarantino, comme Moore, doivent beaucoup de leur succès.
Le rédacteur de 20 Minutes sous-entend allègrement que pour mieux faire passer la pilule, Tarantino aurait fait gagner des films français, histoire de, hein, comme ça je peux faire gagner qui je veux à coté et on m’en voudra pas. Et voici le summum :
Difficile, pourtant, d’expliquer autrement le prix de la mise en scène remis à Tony Gatlif pour Exils, film sympathique mais foutraque, et non à La Vie est un miracle ou 2046. Deux grands films de grands metteurs en scène, Emir Kusturica et Wong Kar-Wai, et deux oublis revendiqués. Le grand cinéma n’était pas convié à la table du jury cette année.
Les deux chouchous de Monsieur n’ont pas gagné, donc c’est une défaite du grand cinéma. Le jury n’aime pas ces génies que sont Kusturica et Wong Kar-Wai (déjà récompensés fort justement à de nombreuses reprises dans divers festivals, par ailleurs) et leur préfère des “petits” cinéastes qui font du “petit” cinéma. Du cinéma pas assez bon pour Monsieur, manifestement. Du cinéma pour le petit peuple.
Je me permets au passage de citer Le Monde:
Dimanche, le jury, au grand complet, a voulu justifier ses choix lors d’une conférence de presse, une première dans l’histoire du Festival. Nous avons récompensé “le meilleur film de la compétition”, a déclaré son président américain, Quentin Tarantino. “Si (Moore) avait fait un mauvais film, j’aurais été contre la Palme d’or. (…) Ce qui a compté, c’est l’humour de ce film, son aspect satirique ; c’est un film qui trouve le ton juste.”
Il a toutefois déclaré qu’Old Boy, qui a obtenu le Grand Prix du jury, “aurait très bien pu obtenir la Palme d’or”. “C’était une course très serrée (…). Ce n’est pas un deuxième prix. A deux voix près, Old Boy aurait pu gagner.” Selon plusieurs sources, Tarantino s’est battu bec et ongles pour que la Palme aille à ce polar sud-coréen ultra-violent.
Emmanuelle Béart a jugé que Fahrenheit 9/11 “n’est pas un film anti-américain mais un film qui parle de l’Amérique autrement, un vrai bon film”. “Nous avons ressenti que ce film est plus qu’un documentaire, a renchéri l’actrice Kathleen Turner. Il tend à inventer une nouvelle forme, un nouveau genre.” “Ce film rend hommage au cinéma. Ce que dit Michael Moore dans ce film ne peut être vu dans les médias américains aujourd’hui”, a estimé l’actrice écossaise Tilda Swinton.
Eh bien cher monsieur Stéphane Leblanc, je ne sais pas pour qui vous vous prenez pour vous permettre ainsi de vous substituer aux 9 membres du jury, pour laisser planer un doute sur leur indépendance et cracher délibérément sur les vainqueurs. Aux yeux de vos lecteurs, vous n’êtes qu’un pitoyable tocard faisant un caprice digne d’un enfant en bas-âge.
[Edit] Il semblerait que Metro y soit également allé de son petit article pleurnichard et ridicule. Citons en vrac : A l’heure où les gens plébiscitent la télé-réalité, il semblerait qu’un montage habile et un brin démagogique d’images de journaux télévisés mérite la récompense suprême, venant d’un journal détenu à plus du tiers par TF1 il fallait oser. Notons une petite contradiction avec 20 minutes puisqu’apparemment à leur avis le vrai cinéma n’a tout de même pas échappé au jury, j’aimerais tout de même avoir leur définition de “vrai” et de “faux” cinéma pour rire, passons sur les choix du jury qualifié de bizarres, c’est vrai que quand on écrit dans Metro on est en droit de remettre en question les choix de professionnels du cinéma, pour finir par les geignements provoqués par ces jurés qui ont choisi de ne pas récompenser de grands films signés de cinéastes au sommet de leur art. Et d’encore citer Wong Kar-Wai, Salles, et Kusturica, qui n’en demandaient certainement pas autant. Félicitons donc Raphaëlle Dedourge et Renaud Baronian pour leur talent. Un jour, vous verrez, il sera reconnu et vous serez jurés à Cannes. Ou pas.