Monsieur le prébilan, c’est l’heure du zidant
Son plan semblait pourtant sans faille.
Des apparitions médiatisées bien calibrées, de préférence un direct en plein JT pour se faire une image polie et impeccable. Un départ du gouvernement pour prendre la tête du parti de la majorité, en pleine gloire, après une succession d’effets d’annonce qu’il savait pertinemment sans lendemain, mais ça, ces cons d’électeurs ne sont pas supposés s’en rendre compte.
Un retour en fanfare, élevé au rang de sauveur, après une énième débacle électorale de sa majorité lors d’une campagne dans laquelle il avait su rester prudent. De nouvelles apparitions, un plan marketing étudié. Puis un départ triomphal du gouvernement, histoire de se refaire une virginité avant le grand soir.
Tout était si savamment étudié. Il n’avait pas commis d’erreur. On ne conçoit pas une vengeance en laissant quoi que ce soit au hasard. Il allait faire payer au vieux qui pensait tenir les rènes du pouvoir, et il allait faire payer au peuple qui l’avait si violemment rejeté douze ans plus tôt.
Les journalistes aussi n’y étaient pas allés de main morte. Une trahison ? Ce mot n’existe pas réellement en politique. La trahison fait partie intégrante des stratégies à suivre lorsque l’on désire progresser. Les journalistes… ces hordes d’imbéciles l’adulaient désormais. Il ne pouvait s’empêcher de sourire devant un spectacle aussi pathétique.
Il avait pris tout son temps pour se raser. Il pensait à un tas de choses. Ce qu’il ferait le soir même, une fois les résultats de sa victoire connus. Il avait bien réussi son coup en parvenant au deuxième tour face au candidat de l’extrême-droite, éternel épouvantail que l’on ressort au besoin. Le vieux avait gagné de cette façon cinq ans auparavant avec un score déjà énorme. Il s’attendait à faire encore plus. Le vieux lui avait déjà maché le travail en réduisant à néant la gauche modèrée deux ans plus tôt. Le travail n’en fut que plus facile: la plus vive opposition qu’il reçut venait de son propre camp. Les contestataires furent purement et simplement virés. On était avec lui, ou contre lui. Les nostalgiques pouvaient prendre leur retraîte.
C’est à pied qu’il était allé jusqu’au bureau de vote, accompagné de sa femme, dans cette ville bourgeoise dont il avait longtemps été le maire. Le soleil était au rendez-vous. Il avait le sourire aux lèvres. Il ne l’a pas vu arriver.
Le monospace du militant d’extrême-droite le percuta alors qu’il traversait la route. Le pare-choc faucha ses jambes en le projetant vers le véhicule. Son crane heurta violemment le pare-brise et y laissa une marque circulaire d’environ dix centimètres de diamètre. Il n’eut même pas le temps d’entendre sa femme pousser un hurlement d’effroi. Le monospace continua sa course et envoya le corps voler une dizaine de mètres plus loin, avant de finalement rouler dessus.
Son plan semblait pourtant sans faille.
Cette histoire est une fiction. Toute ressemblance avec des personnages existants ou ayant déjà existé serait purement fortuite.
Commentaire de Sam Hocevar
9/6/2005 @ 13:47
Le monospace continua sa course et envoyer le corps voler !