Ubuntout pourri
Avertissement: si vous n’avez jamais touché à un Linux de votre vie, le post suivant sera aussi compréhensible et intéressant pour vous qu’une thèse de 3ème cycle traitant de la reproduction des batraciens sur les terrains de tennis en Moldavie.
J’aime ma maman. Ma maman possède un ordinateur portable qu’elle utilise pour faire trois choses simples: lire ses mails (un compte Google accessible en Imap depuis Thunderbird), aller sur le web (avec Firefox) et transférer les photos de son appareil vers son disque dur. Puisqu’elle n’est pas administratrice système, je m’occupe de la bonne santé de son ordinateur personnel et, comme tout administrateur de l’ordinateur de ses parents, je souffre.
Bon, pas autant que sa propre machine il faut bien l’avouer. Il y a quelques mois, après trois années de bons et loyaux services, le Windows XP qui l’équipait commençait à sérieusement ne plus en pouvoir: ralentissements aléatoires, plantages inopinés, sans compter les 10 bonnes minutes nécessaires entre l’allumage et l’utilisabilité du bousin. Entre temps, ça ramait à donf et on ne pouvait pas y faire grand chose. Malgré les recherches, les scans anti-virus, anti-malwares, anti-adwares, anti-spywares, anti-anti, le pauvre bolide demeurait aussi poussif qu’une vieille carcasse fatiguée. Avant de considérer l’achat d’une autre machine (et avant de me lancer dans un lobbying intensif afin de lui faire acheter un Mac) je propose d’essayer de passer sous Linux histoire de donner à la pauvre bête une seconde jeunesse. Ubuntu est toujours à l’heure actuelle supposée user-friendly out-of-the-box, je download un live-CD Ubuntu 10.04, puis vient l’heure du test, en ajoutant des raccourcis “Internet” et “eMail” sur le bureau qui pointent vers Firefox et Thunderbird comme sous son Windows, ça semble OK pour elle. On backup ses photos sur un DVD, et j’installe le système. On fait un test de transfert de photos depuis son appareil en utilisant le soft fourni d’office nommé « F-Spot », les images apparaissent bien dans l’interface, tout semble rouler.
Quelques jours plus tard, coup de fil: les photos sont introuvables et la machine plante lors d’une mise en veille. J’essaie de jeter un oeil via VNC sur F-Spot, mais ça rame, c’est pas trop jouable, et pour la mise en veille je ne trouve pas trop d’infos à l’époque. Je lui dis qu’il va falloir faire avec en attendant que je revienne.
Le week-end dernier donc je rentre au domicile familial pour les fêtes de Noël et je jette un oeil à l’ordinateur portable en question. Fermeture du clapet, réouverture: il ne sort pas du mode veille. Ne répond pas au PING. Obligé d’éteindre à la barbare. Les différents messages sur les forums parlent de hibernate, de uswsusp, j’installe des trucs, j’en supprime d’autres, je blacklist des modules, j’essaye un peu tout ce que les gars disent avoir testé et qui fonctionne chez eux, mais rien à faire. Finalement je me dis que je vais tenter le module proprio Nvidia: vu que c’est une vieille carte, je dois récupérer le driver “legacy” nvidia-96, ce que je fais. J’installe. J’édite xorg.conf et ÇA FONCTIONNE. J’ai un bel affichage en 16 bit, qui va vite, et qui revient normalement après une mise en veille. Miracle ! Tout semble aller pour le mieux dans le meilleur des mondes. Reste à régler le problème du logiciel de photos. Je remarque qu’une mise à jour stable d’Ubuntu est disponible, la 10.10, je me dis que ça peut aider si le logiciel de photos avait un souci: je lance donc l’upgrade. Après tout, si c’est une version stable, il ne peut rien m’arriver, non ?
La version 10.10 vient avec un nouveau kernel, le 2.6.35. A la fin de l’upgrade, je redémarre afin de booter sur ce nouveau kernel. Et là, catastrophe: le système reste bloqué sur le message suivant immédiatement après grub:
Resume: libgcrypt version 1.4.5
Jamais vu un truc pareil en plus de 12 ans sous Debian. Je google, j’essaie de piger à quoi pourrait bien servir cette libgcrypt dont je n’ai jamais entendu parler à l’install, mais je ne trouve rien de bien probant et à ma connaissance mes filesystems ne sont pas cryptés. Je trouve un message d’un gars qui dit qu’il est bloqué à ce point, on lui conseille de virer uswsusp, tiens donc, une vieille connaissance, je boote sur l’ancien kernel, ça passe, je vire le package en question, je reboote sur le 2.6.35, ça passe. Zarb.
Ce qui ne passe plus, c’est Xorg. Crash au démarrage, sans plus d’explication. Je jette un oeil au log de X, et je découvre un magnifique “Undefined symbol”. Après enquète, il s’avère que le driver nvidia-96 de la Maverick (qui a pourtant été updaté pendant l’upgrade) ne fonctionne pas avec le Xorg fourni. Elle est belle, la version stable ! Ça en dit long sur le reviewing des packages avant les releases. Je downloade donc le nouveau driver directement depuis le site de Nvidia, je dégage le -96, ça me saoule un peu de ne plus passer par des packages, mais je n’ai pas vraiment le choix. Une fois le nouveau module recompilé et réinstallé, Xorg se lance, enfin, nous allons pouvoir nous atteller à comprendre le fonctionnement de F-Spot. Ma mère ne comprend pas pourquoi elle ne trouve pas les images sur le disque dur alors qu’elle les importe bien. Après environ une quinzaine de minutes à batailler avec F-Spot qui rame pour afficher la moindre image, la consternation me prend: pour les devs de cet immondice, la fonction “Importer” ne sert pas à importer les images de l’appareil photo sur l’ordinateur, mais uniquement à importer les metadata (ainsi qu’à générer un thumbnail) dans le catalogue. Les photos, elles, restent sur l’appareil. Au moment de l’import, il y a une case à cocher “Copier les images vers le répertoire Photos”. On coche la case, on relance un import: ça génère des répertoires vides et les photos ne sont pas copiées. Pour copier les photos sur le disque, il est nécessaire de les sélectionner dans le catalogue, puis ensuite non pas faire un clic droit, ce serait trop simple, mais aller dans « fichier / exporter / vers un répertoire ». Merci les gars ! C’est tellement user-friendly. Encore une belle victoire d’une Gnomerie sur l’ergonomie et l’utilisabilité, toutes mes félicitations. J’ai fini par conseiller à ma mère de laisser tomber F-Spot, de le fermer quand il se lance automatiquement, et de copier les fichiers à la main. Ça me fait mal au coeur de le reconnaître, mais c’était mieux branlé sous Windows.
Je pensais être tranquille, mais c’était sans le message de ce matin. L’ordinateur ne démarrait pas, bloqué après le grub avec un simple curseur qui clignote. J’ai demandé à maman de choisir le noyau 2.6.32 dans le menu, je me suis connecté en ssh et j’ai viré le 2.6.35, puis recompilé le module Nvidia. Elle a pu réutiliser sa machine. Pour combien de temps ?
Non mais sérieusement, c’est pas possible Ubuntu 10.10 là. Une distribution “stable” finie à la pisse de cette manière, je n’avais pas vu ça depuis la grande époque de Mandrake. C’est dramatique de nullité. Mais vraiment. Je n’ose imaginer le cauchemar pour un néophyte.
PS: pas la peine de poster un commentaire pour dire « chez moi ça marche », je m’en branle copieux.