Tchaé, le thé qui me fait délirer

Dans la catégorie: Écrits — kwyxz le 28/02/05 à 17:10

La voix de la vieille femme s’éleva alors que le feu de la cheminée réchauffait le coeur de l’enfant, emmitouflé dans sa couverture.
« Ainsi commence cette histoire. C’est une histoire qui existe depuis que notre pays existe. C’est une histoire qui se raconte de génération en génération, et qui est aussi vieille que tes arrière-arrière-arrière grands parents. Les vertes collines fleuries du Dantonkustan brillaient alors de mille feux colorés, les routes n’avaient pas encore défiguré la vallée et le silence n’était rompu alors que par les chants des oiseaux. Les animaux gambadaient encore librement dans la nature, et de resplendissantes forêts s’étalaient sur les flancs des montagnes visibles au loin »
« Ça a vraiment existé, grand-mère ? »
« Oui mon petit Tüstrah. C’est réel. Cette histoire a vraiment existé. Je sais que dans tes petits yeux d’enfants, un tel monde semble impossible, mais c’est le cas. En ce monde, une petite fille aimait à marcher dans l’eau des ruisseaux, à jouer avec les papillons qui voletaient au dessus de sa tête, à s’allonger, les cheveux gorgés de soleil, et à rester là, semi-endormie, à regarder le ciel et les nuages qui passaient. »
« Qui était cette jeune fille, grand-mère ? »
« Cette jeune fille était la mère de la mère du père de la mère de mon grand-père. Elle est donc la mère de la mère du père de la mère du père de la mère de la mère de ton père. »
« C’est mon arrière-arrière… »
« C’est ton arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-grand-mère. Elle était très jolie, avec des cheveux blonds comme les blés. La plus jolie fille de la région, tu pouvais me croire. Mais elle n’arrivait pas à se marier. »
« Pourquoi ? »
« Elle ne savait pas parler. Tout du moins, elle arrivait à dire quelques mots, mais elle ne semblait pas parler notre langue. »
« Comment est-ce possible ? »
« Elle pensait à cette époque qu’elle n’avait nul besoin de communiquer avec les autres humains. Que seul le dialogue qu’elle avait avec la nature importait. Elle était capable de prononcer son prénom, chose qu’elle faisait lorsqu’elle se présentait à un nouvel être vivant. Elle s’approchait, posait ses mains sur sa poitrine comme pour se désigner, et articulait: “Sara”. »
« Et ensuite, que faisait-elle ? »
« Elle regardait fixement les animaux dans les yeux. Elle ouvrait la bouche, émettait quelques sons, agitait ses bras. Et les animaux la comprenaient. Ils jouaient avec elle. Un jour, des gens sont arrivés et ont commencé à retourner la terre pour tracer un chemin. Ces gens faisaient fuir les animaux. Sara alla les voir pour les dissuader de continuer à détruire la nature, mais ils ne l’écoutaient pas, elle ne parlait pas leur langage. »
« Qu’ont-ils fait ? »
« Ils ont continué à déblayer un chemin, et ont construit une route afin de relier notre village perdu aux villes en pleine expansion. Sara était triste. Les animaux avaient fui la vallée et ne lui parlaient plus. Un jour, un homme est arrivé et, bien que parlant le langage des hommes, il comprenait les expressions de Sara. Elle tomba éperdûment amoureuse de lui, et lui donna deux enfants, deux filles. L’une resta au village, l’autre partit à la ville. Toutes deux ne parlaient que le langage de leurs parents. Et sais-tu ce qui est arrivé à celle qui est partie à la ville ? »
« Non ? Raconte-moi, grand-mère… »
« Elle fut battue et chassée. Partout où elle allait, les gens avaient peur de sa faculté à parler aux animaux. Elle parlait aux chiens errants, aux rats, aux chats de gouttière. Les gens la prirent pour une sorcière et finirent par la mener au bûcher. Consciente que les gens de la ville pouvaient à tout moment descendre au village, celle qui y était restée, apprenant la mort de sa soeur, décida d’apprendre le langage des hommes tout en continuant à enseigner en secret à ses descendants la langue de sa mère. Et c’est cette langue que je vais t’apprendre demain, car demain tu auras 8 ans. Et le jour de nos 8 ans, dans la famille nos grands-parents nous enseignent cette langue. »
« Pour quelle raison, grand-mère, si les animaux ont fui la vallée et que la parler peut nous faire tuer ? »
« Parce que nous devons garder en mémoire qu’un bienfait, un don peut éveiller la jalousie, la convoitise, et la haine. Parce que nous ne devons pas oublier cette richesse qui est en nous. Parce qu’ainsi parlait Sara, Tüstrah. »

Rêverie

Dans la catégorie: Écrits — kwyxz le 12/01/05 à 1:55

Ce n’était au début qu’un point sur l’horizon. Au milieu de ce désert blanc, on aurait pu croire à un mirage, pourtant après une petite heure de marche force fut de constater qu’il n’en était rien. Elle était là, bien réelle. Vêtue de noir par cette chaleur, il était impossible de ne pas la remarquer. Elle fermait les yeux et semblait somnoler.

Elle était d’une éblouissante beauté. Ses cheveux blonds brillaient de reflets éclatants comme autant de soleils. Dans ma tête, mille pensées virevoltaient. Lui adresser la parole pour établir le contact ? La laisser dans sa quiètude ? Si je la laissais, ne risquais-je pas de ne jamais avoir l’occasion de la revoir ? Sur son visage, je pouvais lire comme un sourire paisible.

Elle ouvrit les yeux. Surprise par ma présence, elle sursauta. A mon tour, je sursautai. Celà la fit rire. Elle tendit sa main vers mon visage et caressa ma joue, le bout de ses doigts touchant délicatement mes tempes. Alors que je tentai de faire de même, ma main se perdit dans ses boucles blondes qui fondirent en un sable fin qui, lentement, s’écoula entre mes doigts. Quelques secondes plus tard, j’étais de nouveau seul, au milieu de ce désert.

Je m’éveillai doucement. A mes côtés, elle dormait du sommeil du juste, le même sourire paisible sur son visage. Sous la couette, la chaleur était étouffante. Effrayé de ne vivre qu’un délicieux mirage, je tendis la main pour lui caresser la joue. Je saisis quelques unes de ses boucles blondes, je vis qu’elle me regardait tendrement en souriant. J’étais bien. Elle était réelle. Elle se rendormit. Quelques secondes plus tard, je partis la rejoindre une nouvelle fois au pays des songes.

Fable que La Fontaine aurait peut-être écrite s’il avait vécu à notre époque. Ou p’têt que non.

Dans la catégorie: Écrits — kwyxz le 3/06/04 à 12:06

Le chat et le tapis

Dans Bagdad la grande, le calife endormi
Avait au sein de son palais un tapis.
Superbe pièce d’Orient au coût inestimable
Il en aurait rendu plus d’un misérable
Mais était désormais dans les mains fortunées
De Haroun El-Poussah, calife bien aimé.

Un chat vint à entrer soudain par une fenêtre
Venant de l’extérieur, bien sale il semblait être
De poussière et de crasse il était recouvert
Sur le tapis il vint s’allonger en travers
Déposant une couche de poussière bien sale
Il resta là une heure, puis il se fit la malle.

Le tapis fut alors pris d’une quinte de toux
La crasse était en lui, il crût devenir fou
Le chat pendant ce temps fonçait vers un bassin
Il glissa, dérapa, et chûta lourdement
L’animal fut lavé, mais bien évidemment
Il n’était pas du genre à apprécier les bains

Moralité :
Quand le chat fait plouf
Le tapis tousse.

(Non, j’ai même pas honte)

Incognito

Dans la catégorie: Écrits — kwyxz le 4/03/03 à 1:18

L’homme en imperméable gris entra dans la boucherie-charcuterie. Il portait un chapeau et des lunettes noires dans le plus pur style Eliott Ness. Le boucher s’étonna de voir arriver un tel personnage dans son commerce, puis lui lança :

– Et pour monsieur, ça sera ?
– Une baguette, s’il vous plaît”

Le boucher se retint de rire.

– Excusez-moi monsieur, je pense que vous devriez retirer vos lunettes noires, nous sommes dans une boucherie-charcuterie. Je ne vends pas de pain.”

L’homme en imper le regarda fixement au dessus de ses lunettes puis esquissa un sourire.

“Bien sûr, bien sûr. Je pense que vous ne m’avez pas reconnu.”

Le boucher observa attentivement son interlocuteur. Petit, 1m60 environ, blanc, apparemment maigrelet, les tempes grisonnantes. Un nez grossier, quelques veines apparentes au niveau du cou. Le reste camouflé sous l’imper, les lunettes et le chapeau, à l’exception de deux extrêmités de baskets qui dépassaient du bas du long manteau gris. Une physionomie somme toute absolument banale et qui ne lui disait strictement rien.

“Allons. Faîtes un effort. Vous ne m’avez jamais vu à la télé ?”

Malgré tous ses efforts de réflexion, le boucher ne pouvait se souvenir s’il avait déjà vu ce visage. Il finit par se résoudre à s’enquérir de l’identité de son mystérieux client.

“Mais voyons, je suis Nelson Mandela ! Je viens ici acheter mon pain incognito. Sinon, vous savez bien, le public, les demandes d’autographes, c’est usant.”

Devant cette réponse, le boucher se demanda s’il devait se fâcher tout rouge ou à nouveau se retenir d’éclater de rire. Finalement, il opta pour la deuxième solution.

– Oooooh, mais bien sûr Monsieur Mandela. Quel distrait je fais. Qu’est-ce-que vous vouliez, au fait ?
– Je voudrais une baguette de pain, pas trop cuite, s’il-vous-plaît !
– Monsieur Mandela, c’eût été avec plaisir, mais je ne vends pas de pain.
– Ah mais il fallait me le dire tout de suite que vous n’en aviez plus ! Bon, je vais prendre aussi une douzaine d’huitres.”

Le boucher commençait à être passablement agacé par ce petit jeu. Si c’était une blague, ça n’était pas très drôle.

– Oh, désolé Monsieur, mais mes huitres ne sont plus très fraîches. Toutefois, si vous voulez bien vous donner la peine de traverser, il y a un magasin spécialisé dans les fruits de mer de l’autre côté de la route, il vous suffit de traverser !
– Ah, c’est fort civil de votre part de me le faire remarquer. Bonne journée, donc, je m’en vais vers ce commerçant. Merci bien.

Le petit homme à l’imperméable commença à s’éloigner vers la porte, puis alors qu’il en saisissait la poignée, demanda au boucher “vous êtes vraiment certain que vous n’aviez plus de pain ?”. Lequel lui répondit immédiatement “oui, j’en suis sûr, il ne me reste plus rien du tout.” “Très bien, tant pis pour moi, bonne journée.”

Une fois qu’il eût traversé la route, le petit homme se retourna pour regarder une dernière fois le boucher à travers sa vitrine, lequel lui souriait d’un air entendu. Puis il prit une profonde inspiration, et poussa la porte du Sex-Shop que le boucher venait de lui désigner comme étant une poissonerie spécialisée en fruits de mer.

Accro

Dans la catégorie: Écrits — kwyxz le 17/02/03 à 2:49

“Je me demande bien ce que l’Inspecteur va vouloir nous raconter !” se dit Bosco. Il était, comme tous les flics de la brigade, convoqué dans le bureau de l’Inspecteur Poussin par ce matin d’hiver. Sur les carreaux des fenêtres, la pluie s’acharnait à produire un vacarme assourdissant. “Bonjour, messieurs !” dit Poussin en entrant dans le bureau. “Je suppose que vous avez entendu parler de Jack L’Éventreur dans votre jeunesse ?” ajouta-t’il. Bosco fronça les sourcils. Où Poussin voulait-il en venir ? “Eh bien il est de retour, et a déjà commencé à frapper. Nous devons arrèter ce cinglé dans les plus brefs délais. Déjà douze prostituées ont été retrouvées mortes. Allez, au boulot, et plus vite que ça.” Bosco sortit en faisant la grimace. Il n’avait jamais trop apprécié Poussin, ni le caractère autoritaire de ce dernier.

N’en déplaise à Bosco, il fallait bien avouer que Poussin était d’une efficacité remarquable. En six mois, il avait élucidé plus d’une trentaine d’affaires avec un brio qui ferait rêver n’importe quel enquèteur débutant. Son sens de la logique et ses techniques de déduction étaient vraiment d’une finesse rare. Bosco fut brutalement interrompu dans ses pensées par la sonnerie du téléphone. “C’est une urgence, une prostituée qui vient de se faire agresser à Pigalle”. Bosco fonça vers sa voiture.

“Peux… plus… respirer…” Ce furent les deniers mots qu’entendit l’infirmier arrivé en premier sur les lieux. Un peu maigre pour la déposition de Bosco. Poussin était là également, il interrogeait les différents témoins et prenait des notes sur un petit calepin noir. Poussin prenait toujours des notes. Il faisait des croquis. Bosco se demanda combien de calepins Poussin pouvait avoir chez lui, soigneusement rangés sur une étagère.

Plus la pluie tombait fort, plus le vent redoublait d’intensité. Bosco se demanda si la météo allait donner un avis de tempête pour la journée. Si les éléments continuaient à se déchaîner, pensa-t’il, ils couraient droit à la catastrophe. Mais Bosco avait du pain sur la planche, et une mystérieuse succession de meurtres à élucider.

De jour en jour, les corps éventrés des malheureuses prostituées se faisaient plus nombreux. Bosco commençait à désespèrer. Comment faisait le tueur pour ne laisser aucune trace ? Celà faisait maintenant trois semaines qu’il lui courait après. Même Poussin, d’habitude si efficace, avait l’air de peiner. Néammoins, l’orgueil de Bosco lui interdisait de collaborer avec son supérieur. Le mois de janvier arrivait à sa fin et Bosco n’avait pas le moindre indice. Poussin continuait inlassablement à remplir des calepins noirs. De temps en temps, Bosco essayait de les lire par dessus son épaule, mais jamais il n’y parvenait. L’écriture de Poussin, toute en pattes de mouches, n’était pas lisible facilement sans une étude approfondie. À la grande surprise de Bosco, alors qu’il regardait avec insistance dans sa direction, Poussin s’approcha de lui et lui demanda s’il était possible qu’ils partagent leur informations et qu’ils coopèrent.

Devoir coopèrer avec Poussin ne l’enchantait vraiment pas. Mais ils manquaient cruellement de pistes l’un comme l’autre. Le nombre de victimes était désormais de 17. Uniquement des prostituées, dans divers endroits de Paris. Aucune logique apparente dans les meurtres. Elles étaient toutes éventrées de la même manière, mais n’avaient aucune caractéristique physique particulière. Des grandes, des petites, des maigres, des obèses, des blanches, des noires, des blondes, des brunes, des rousses, des africaines, des slaves, des françaises, rien ne permettait de les relier. Et puis, un jour, Bosco reçut un coup de fil. Au téléphone, la voix, qui finalement lui paraissait plus ou moins familière, même si passée à travers un filtre, lui indiquait un lieu de rendez-vous. Un témoin d’un meurtre, paraîtrait-il.

Attendre sous la pluie en planque qu’un témoin arrive, celà fait partie du métier de flic. Quand celui-ci arriva, Bosco le reconnut immédiatement. Poussin était avec lui. Ils discutaient peu. Bosco sentait que Poussin ne l’aimait pas beaucoup, mais il le lui rendait bien. Un homme cagoulé approcha doucement de la voiture. “Monsieur Bosco ?” Bosco n’eut même pas besoin de lui arracher sa cagoule pour deviner qui s’adressait à lui. C’était Marty, un proxénète local. “Oui, Marty ?” Marty sursauta à l’annonce de son prénom. “Euh…” “Allez vas-y, dis nous ce que tu as à nous dire.” Marty commença à frissonner. “Je l’ai vu. C’est un grand homme, dans un long manteau sombre, avec un chapeau noir.” Bosco se retint de rire. La description de Marty correspondait seulement à un bon demi-million de personnes sur Paris et sa région, et encore, en voyant petit.

Le jour se levait à peine quand Bosco fut tiré du lit. Poussin au téléphone : “venez vite”. Une nouvelle victime, la 21ème. Alors que Jack L’Eventreur prenait des souvenirs sur ses victimes pour s’adonner à l’anthropophagie, les corps étaient ici retrouvés intacts. Si l’on omettait l’ouverture béante à l’abdomen, bien entendu. Bosco sentait l’impatience le gagner. Quel était cet élément qui lui manquait et l’empêchait de progresser ? Pourquoi ne trouvait-il aucun indice ? Pourquoi Poussin, qui avait arrèté des dizaines de tueurs en série comme celui-ci, piétinait-il autant ? Bosco avait tenté de s’intéresser au moindre détail. Retracer la vie de chacune des victimes. Étudier les dates. Mais rien.

22. 22 victimes, le 15 février. L’affaire restait toujours aussi mystérieuse. De nouveaux témoignages faisaient état d’un grand homme. Sombre. Manteau. Chapeau. Rien de capital. Impossible de lancer un avis de recherche là-dessus. Poussin commençait à établir un dialogue. Il était impossible, selon lui, que le tueur continue ainsi sans jamais faire d’erreur. Tôt ou tard, il allait faillir, un peu comme ces joueurs de casino qui ne savent pas quand s’arrèter et continuent, continuent, jusqu’à perdre tous leurs gains et même plus. Car après tout, nul n’est infaillible. Bosco se demandait si Poussin l’aidait par conscience professionnelle ou bien tout simplement si leurs supérieurs avaient insisté pour que l’enquète avance.

Février arrivait à son terme. Bosco n’avait pas vu Poussin de la journée. Une grippe, probablement : elle faisait des ravages. C’est d’un pas presque machinal que Bosco s’avançait sur les lieux du meurtre de la 23ème victime. Au fur et à mesure des découvertes macabres, l’horreur subsiste, mais l’homme parvient mieux à la supporter. Quand il avait vu un cadavre pour la première fois, Bosco n’avait pu s’empêcher de vomir. Désormais, il y jetait un rapide coup d’oeil. Étudiait parfois quelques parties du corps pour trouver des indices. Et laissait le reste au légiste. Une fois de plus, le corps n’avait aucune marque particulière. Aucune empreinte. Aucune piste. Alors qu’il tournait les talons pour retourner à sa voiture, Bosco remarqua un objet de forme familière sur le sol. Il se pencha pour le ramasser, et l’examina attentivement. Ses yeux s’ouvrirent comme deux lunes, et la cigarette qui pendait entre ses lèvres tomba au sol.

Poussin souriait. Un serial-killer finit toujours par commettre une erreur. C’est élémentaire. Quelle qu’elle soit. Certains tuent selon des schéma bien précis : c’est pour anticiper leurs crimes qu’on a inventé le métier de profileur. Certains finissent par laisser des empreintes : s’ils ont déjà eu un quelconque antécédent, une recherche rapide permet de les retrouver. Un tueur “classique”, lui, a souvent un mobile. La recherche de ce mobile, elle, permet de confondre rapidement un suspect. Mais comment arrèter un tueur qui n’a pas de mobile, agit sans raison, de façon totalement aléatoire, et systématiquement muni de gants, vêtu d’un large cache-col et d’un chapeau qui empêchent de le reconnaître ? Pendant plusieurs semaines, Poussin avait cherché la réponse à cette question. Sa conclusion était désormais définitive : à moins que le tueur se laisse prendre volontairement, quelle que soit la raison de cet abandon, il était quasi-impossible de l’attrapper. Quand Bosco commença à tambouriner à sa porte, Poussin jeta un oeil à son étagère remplie de 22 calepins noirs dans lesquels il avait minutieusement décrit chacun des meurtres, à commencer par une biographie complète de la victime. Alors que Bosco défonçait la porte d’entrée, le 23ème calepin à la main, Poussin enfonça son arme de service dans sa bouche et, d’un air décidé, pressa la détente.

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