Flotte en Seine, actes 2 et 3
J’arrive à Saint-Cloud vers 15h15 ce second jour et c’est une belle nuée qui m’accueille dès la sortie du métro, heureusement celle-ci n’est que passagère et une fois arrivé sur site c’est sous un beau soleil que je récupère ma deuxième glace Ben & Jerry’s, celle d’hier à base de vanille et de cookie était loin d’être dégueu, celle du jour au chocolat et brownie est très bonne elle aussi, et puis c’est toujours meilleur quand ça a ce petit goût de gratuit gratuit gratuit.
Une fois entré dans l’enceinte du festival je vais voir Viva and the Diva, combo hétéroclite composé entre autre de Sir Alice, du claviériste de Poni Hoax ou de Mark Kerr, batteur occasionel des Rita Mitsouko. Y’a de l’énergie et de l’envie, c’est un peu bizarre mais pas désagréable à écouter et je me dirige donc vers la scène de la cascade plutôt content de cette entrée en matière. Plan B commence son set par du beatboxing, ensuite j’ai un peu de mal à rentrer dedans, Netsabes m’a rejoint, nous filons nous poser tranquillou et jouer à Jungle Speed avec un démonstrateur d’Asmodée avant d’être rejoints par Mallory, nous écoutons Quadricolor d’une oreille distraite pendant que nous jouons mais ça a l’air franchement pas mal et nous regrettons un peu de ne pas être allés les voir.
Après s’être faufilés dans le public histoire d’être pas trop mal placés pour Two door cinema club nous retrouvons Gérald et le concert commence, et c’est une franchement bonne surprise, je ne connaissais d’eux que “Undercover Martyn” mais tout le reste est franchement chouette, ils ont tout ce qui manquait aux anecdotiques Kooks la veille, le public ne s’y trompe pas et il est évident que ces gars-là ont de l’avenir. Rien à secouer de Paolo Nuttini et sa musique dégoulinante prête à tartiner donc nous restons jusqu’au bout, les petits jeunes repassent en France en novembre, date à surveiller à mon avis.
C’est Martina Topley Bird, ex-chanteuse de Tricky et actuelle chanteuse de Massive Attack qui remplace Où est le Swimming Pool, accompagnée par un ninja musicien dont on essaiera vainement de deviner l’identité. Rien à redire, la dame connaît son métier et son groove entraîne le public déjà impatient de la retrouver le soir même aux côtés de 3D et Daddy G le soir même, nous sommes rejoints au passage par Sushi et Fred. Nous ne restons que quelques instants devant Jonsi, chanteur de Sigur Ros dont le projet solo paraît un peu terne surtout que ses instruments sont restés bloqués au Portugal, nous l’écoutons couiner quelques minutes mais ça n’est franchement pas transcendant surtout en acoustique, de toute façon il nous faut rejoindre la grande scène histoire d’être bien placés pour le gig des Queens of the Stone Age.
Juste devant la régie au début du set des braves menés par un Josh Homme en pleine forme, j’étais à environ dix mètres de la scène avant la fin du premier morceau: ça bouge, ça remue, ça saute, mais l’ambiance est bonne même si certains spectateurs, ne pouvant soutenir le rythme frénétique des crowdsurfers et les bousculades prennent sagement la poudre d’escampette. Set solide et sans bavure avec des morceaux extraits des quatre albums en date, même si l’on pouvait s’attendre à plus de titres de “Rated R” dont la tournée actuelle célèbre la réédition. Pas de temps à perdre après ce concert éprouvant, je file voir LCD Soundsystem qui livre une prestation excellente, tant et si bien que je suis carrément dégouté de devoir partir avant la fin pour regagner la grande scène où va se produire Massive Attack, le show est carré, pas complètement original vu qu’on se retrouve devant une mise en scène similaire à ce qu’on avait pu voir en 2003, ce n’est pas désagréable pour autant et après un petit 3-hit combo spécial “Mezzanine” composé de “Teardrop” / “Angel” / “Inertia Creeps” je file manger un aligot puis profiter de 2 Many DJ’s qui m’avaient déjà ravi en 2007. La foule les acclame, derrière les frangins Dewaele un écran diffuse des animations basées sur les pochettes des disques mixés, l’ambiance est torride même si le set manque un peu de folie par rapport à ce qui avait été fait trois ans plus tôt. Je ne boude quand même pas mon plaisir et quelle surprise quand le public se met à chanter alors que passe un morceau de Zombie Nation, même s’il y a beaucoup d’anglais à ce Rock en Seine, quelle différence de taille avec d’autres festivals… (suivez mon regard).
Une excellente journée-marathon, donc, et c’est épuisés mais heureux que nous repartons en direction du métro, les déconvenues de la veille ne sont plus qu’un lointain souvenir, même pour des connards de snobs blasés qui n’aiment pas la musique, n’est-ce-pas. Une bonne nuit de sommeil plus tard, Gérald me passe un coup de fil, nous prenons ensemble le métro direction Saint-Cloud, une fois sur place re-glace, la jeune femme du stand regarde Gérald et lui demande s’il veut la fin du bac, il acquiesce et se retrouve avec un gobelet tellement rempli qu’il finit par s’en renverser sur son pull, son futal, ses pompes, la classe américaine. Nous allons nous poser sur les transats histoire d’apprécier un peu le beau temps en buvant un coup, et Wallis Bird débute sa prestation, on ne voit rien depuis notre coin de verdure à cause des arbres mais on entend bien, et ça ressemble à du Amy McDonald autant dire que ça ne soulève pas notre enthousiasme, la photo de The Temper Trap était rigolote mais leur musique franchement moins, c’est un peu quelconque tout ça, ça manque d’identité, d’un petit quelque chose, hmm… nous retournons vers la petite scène de l’industrie et sommes agréablement surpris par Success, c’est punchy, ça rappelle un peu et même beaucoup les Beastie Boys et ça confirme une impression grandissante que la scène de l’industrie est vraiment le lieu de toutes les surprises, bonnes comme mauvaises d’ailleurs on le verra plus tard, pour l’heure nous sommes rejoints par Elise et filons vers la grande scène pour la prestation de Eels.
Forcément le look de E à la “Joaquin Phoenix en pleine crise de la quarantaine qui se prend pour un rappeur” aurait dû nous mettre la puce à l’oreille, barbe de naufragé perdu sur une île déserte, grosses lunettes, bandana dans les cheveux façon “Eels Angels” selon Gérald, et quand les guitares se font entendre nous nous regardons un peu de travers, on est vraiment au bon endroit là ? Parce que ça sonne pas vraiment comme du Eels, du ZZ Top oui, pas du Eels, c’est alors que démarre une cover de “Summer in the City” des Lovin’ Spoonful, oui alors là ça devient vraiment étrange, enfin je l’avoue je m’étais arrèté aux trois premiers albums de Eels et il a peut-être complètement changé de style avec les derniers, ‘faut dire qu’il en a sorti trois en un an donc c’est pas évident de suivre, mais quand bien même on peut saluer la volonté de changer un peu de style et de ne pas faire de surplace, et puis un morceau démarre, ça ressemble à “Souljacker” et effectivement c’est ça, suit un “I like birds” complètement méconnaissable, derrière on croît un moment à une cover de “Twist and Shout” sauf que c’est “Mr E’s beautiful blues”, et là la coupe est pleine, E a le droit de s’amuser avec sa musique comme il l’entend, mais nous avons aussi le droit de ne pas apprécier un tel massacre, nous partons donc, un peu écoeurés et déçus parce que nous pensions pouvoir apprécier un moment un peu cool de musique tranquille relax, pas assister à un concert de réunion de vieux bikers.
Direction donc I am un chien que le programme présente comme étant “entre Prodigy et Rage Against the Machine“, parfait puisque nous sommes un peu énervés du foutage de gueule complet auquel nous venons d’assister. Sauf qu’en fait de Prodigy ou de Rage Against the Machine c’est surtout Enter Shikari que j’ai l’impression de voir là, encore plus mauvais si c’était possible, et encore plus ridicule parce que portant des jeans slims. Doux Jésus que c’était atroce, une véritable catastrophe sur à peu près tous les points, alors Wayne Beckford l’auteur des tubes des Black Eyed Peas que je considère personnellement comme une des plus belles escroqueries de l’histoire de l’industrie musicale, on va passer notre chemin et aller se placer pour Beirut, n’est-ce-pas, d’ailleurs ça commence et c’est vraiment très sympa, les bonnes impressions que j’avais pu avoir en écoutant quelques morceaux sont confirmées, c’est entraînant, bon, ça rappelle beaucoup Yann Tiersen ou Emir Kusturica mais c’est chouette, et puis on se laisse bercer et… et merde, on s’endort un peu quand même, j’aime la musique mais j’ai un peu envie de pioncer là, je ne sais pas, peut-être que ça n’est pas à sa place sur la grande scène d’un festival rock, c’est difficile à décrire parce que j’aime bien mais en même temps je trouve le temps long… le manque de sommeil peut-être ?
Nous allons jeter un oeil à Fat Freddy’s Drop, un type qui a dû se planter d’adresse remue un drapeau jamaïcain alors que les gars sont néo-zélandais, oui je sais ils font du reggae mais non ça n’est pas une raison, et puis le chanteur harangue la foule « the original and only sound of Fat Freddy’s Drop !» voilà qui est un peu prétentieux pour un groupe qui ensuite se lance dans un morceau de reggae comme on en a déjà entendu des milliers, pour de l’original and only on repassera plus tard, l’an prochain, peut-être. Un peu saoulé par cette journée qui pour l’instant oscille entre le bon et le très nul, c’est non sans appréhension que je rejoins Netsabes, Meuble, Saucisse et Grouh pour les Ting Tings et lorsque la musique démarre mes doutes s’envolent, c’est festif, c’est joyeux, le public autour de nous s’amuse, nous faisons des blagues à deux balles et tout le monde rigole, l’ambiance est vraiment excellente et quand le batteur lance une longue intro de percus pour “Shut up and let me go” on entend la foule lancer “Live is life” de Opus qu’une belle partie du public reprend en choeur, et c’est sur un finish assez mouvementé que s’achève une prestation qui donne de la couleur à ce dimanche bien terne. La pluie commence également à faire son apparition, discrète à cet instant, nous allons manger pendant que Roxy Music tente de retrouver son public, mais nous n’accrochons pas du tout à la voix de crooner et aux sonorités un peu poussiéreuses du groupe.
Arcade Fire ou Crystal Castles, c’est la question que plus d’un festivalier a dû se poser ce dimanche et puisque nous avons déjà vu deux fois la bande de Win Butler, nous décidons de regarder le début de leur set pour ensuite migrer vers l’électro cinglée de leurs compatriotes. Et c’est indiscutable, Arcade Fire a toujours le talent nécessaire pour transporter son public, les morceaux de “Funeral” et de “Neon Bible” scandés comme des hymnes sont repris par la foule et nous-mêmes chantons en choeur, partant presque à regret écouter Crystal Castles au bout d’une vingtaine de minutes… pour revenir à Arcade Fire quelques instants plus tard, la faute à une balance complètement ratée, des basses étouffant toute autre mélodie, tout autre instrument, ou même les hurlements d’Alice Glass qui semble s’égosiller dans le vide. Et puis surviennent deux morceaux de “The Suburbs”, dont celui du même titre d’ailleurs, étrangement mous, manquant cruellement de personnalités face aux monstrueux “Wake Up”, “Rebellion (Lies)” et autres, qui nous poussent un peu vers la sortie, la volonté d’éviter la bousculade dans le métro aidant, la pluie aussi qui a commencé à tomber, nous repassons devant Crystal Castles où la balance s’est un peu améliorée mais la pluie arrose le festival et plus nous approchons du métro plus elle est violente, à cet instant Arcade Fire a déjà arrèté de jouer mais nous ne le savons pas, nous pouvons juste imaginer l’état dans lequel doivent se trouver les spectateurs et le matériel, comme à son habitude la RATP fait la bonne blague de fin de festival de contrôler tout le monde alors que les deux nuits précédentes pour le trajet retour c’était opération portes ouvertes, nous nous installons dans la rame et commençons à chanter du Arcade Fire, les autres voyageurs sourient, et là un message nous informe qu’en raison d’une agression sur un voyageur non seulement le trafic est perturbé mais en prime le métro n’ira pas plus loin que Michel-Ange Molitor, c’est à dire deux stations. C’est déjà là que je descends d’habitude pour prendre la 9 donc ça ne me dérange pas des masses, et quand on a une occasion de troller tout un wagon de métro bondé on la saisit au vol, heureusement que les gens étaient contents parce que personne ne nous a tapé quand nous avons chanté “Si tu prends la ligne 9 tape dans tes mains” (clap clap).