Gare ta gueule
Ça fait vingt-et-un mois que je me suis installé à Los Angeles. Le temps est passé à une vitesse… avant de partir, j’ai entendu des avis divers et variés sur la ville provenant notamment d’amis ayant effectué un passage dans le coin lors d’un séjour en Californie. Je n’ai pas compté le nombre de fois où on m’a vanté les mérites de San Francisco avant de finir par un commentaire désabusé sur la nullité de Los Angeles, sans parler de sa mocheté, tu te rends pas compte y’a rien à faire et il faut conduire tout le temps, bref.
L’expérience que ces gens ont de Los Angeles, je la compare à celle d’un touriste étranger qui monterait en haut de la Tour Eiffel, dînerait tous les soirs dans un restau autour de la rue de la Huchette et finirait à Disneyland. Effectivement, dans ces conditions, Los Angeles c’est nul, mais comme n’importe quelle ville : quand un patelin a une superficie de 1302 km², difficile de pouvoir doctement affimer que tout est moche nul et qu’il n’y a rien à y faire.
Mais s’il y a bien un truc qui est complètement à chier à Los Angeles, et dont personne ne vous parle jamais, quelque chose qui en plus est vraiment spécifique à la ville elle-même et qu’on ne voit quasiment nulle part ailleurs aux USA, c’est le foutage de gueule généralisé que représente le stationnement.
Parce que oui, conduire dans les embouteillages c’est relou j’en conviens, mais une fois qu’on connaît un peu le coin et qu’on a un GPS pas trop con on évite la plupart des bouchons. Et même si ça peut paraître difficile à croire, conduire dans Los Angeles c’est agréable : les routes sont larges, il y a plein de voies qui facilitent le trafic, certaines règles du code de la route sont vraiment pas connes et optimisent la circulation, les gens conduisent comme des pieds mais sont cool, bref, le problème il ne se situe pas dans la conduite. Il se situe dans le garage.
Si vous regardez Louie, la super série de Louis CK sur FX, vous vous souvenez peut-être de cette scène hilarante dans laquelle il essaie de décrypter un panneau de signalisation new-yorkais proche de l’incompréhensible. Eh bien j’ai le plaisir de vous informer qu’à Los Angeles ces panneaux sont partout. Non contents de donner des horaires de stationnement autorisé ou interdit, ils précisent aussi parfois des jours bien spécifiques, annoncent les jours de nettoyage des rues (il est donc interdit de se garer) et lorsqu’on pense être en règle après avoir rapidement scanné le panneau, on se rend compte que la zone toute entière exige la détention d’un permis de parking réservé aux riverains pour pouvoir abandonner son véhicule ne serait-ce que dix minutes.
Mais décrypter le panneau ne permet pas toujours de s’en sortir : les places de street parking gratuit sont parfois tellement rares qu’il devient nécessaire de s’en remettre à un valet, comprenez un mexicain sous-payé qui, dans le meilleur des cas, va la garer dans un parking payant (vous payez d’entrée le prix du parking, puis vous filez un pourboire au valet pour le payer lui) mais dans le pire des cas va juste faire dix fois le tour du pâté de maisons avec votre voiture pour la garer pour vous dans la rue.
Pas de valet à l’horizon ? Les parkings payants vous tendent les bras… mais la moitié sont gérés à la débrouille. Si la plupart des centres commerciaux fonctionnent au ticket avec distributeur prenant la carte de crédit, c’est loin d’être le cas d’un paquet d’autres lieux. Quand vous venez de lacher $80 dans une place de concert, vous êtes ravi de débarquer devant la salle et de découvrir que le parking “officiel” du site ne prend que du cash, et vous facture $25, pépouze. Il faut dire que la friche en face gérée par des latinos a augmenté ses tarifs, passant de $20 pré-affluence à un superbe $40. Parfois il suffit de conduire deux pâtés de maison plus loin pour trouver du street parking… mais parfois non. Autant dire qu’avant de se rendre où que ce soit, il vaut mieux avoir du liquide sur soi.
Terminons avec ces malheureux qui, par souci d’économie, décident de ne pas prendre de place de parking avec leur appartement… en fonction du quartier, ils gagnent donc le droit de tourner en rond à la recherche d’une place pendant de longues minutes, quand ce n’est pas des heures pour finir par se garer à vingt minutes à pied. Et devoir se relever à l’aube histoire de déplacer la voiture en cas de nettoyage de la rue le lendemain matin… parce que la police ne déconne pas : fréquemment les flics font le pied de grue devant les parcmètres et à la première seconde de dépassement, crac, amende. Et dans le pire des cas, la dépanneuse arrive très vite pour vous envoyer à la fourrière, et là ça peut monter vite très cher. Mais là, c’est pareil à Paris, pour une fois.