Immigré, poil au nez
À part les gros rednecks utilisant des fusils à pompe en guise de canne à pêche, la plupart des habitants des USA savent mettre à l’aise le nouveau venu. La culture de l’accueil n’est pas une légende et les américains sont vraiment sympas alors qu’ils ne vous connaissent que depuis quelques minutes. Paradoxalement, pénétrer sur le “homeland” est, pour un étranger, toujours un petit moment de bonheur.
Simple touriste, l’accès aux States passera d’abord par un remplissage en bonne et due forme de l’ESTA, le formulaire en ligne qui désormais remplace l’historique questionnaire ridicule distribué historiquement dans les avions, celui qui demandait en toute sincérité si vous êtiez un criminel de guerre nazi pédophile ayant l’intention de vendre de la drogue aux États-Unis – et pas question de répondre “oui” pour rigoler, les services de l’immigration US ne déconnaient pas avec ça, même avant le 11 septembre même si ça ne s’est pas arrangé depuis, et pour cause. Ces questions sont toujours présentes, sous forme un peu moins brutale, dans l’ESTA.
Une fois dans l’avion, vous pensez en avoir fini avec la paperasse ? Perdu, il va falloir pendant le vol se palucher un formulaire réservé aux douanes indiquant si vous importez des agents infectieux genre le virus Ebola, des denrées périssables (horreur ! malheur ! un frenchy qui ramènerait du fromage, vous imaginez le scandale ?) et autres joyeusetés.
Arrivé sur le territoire américain, un agent de l’immigration aussi sympathique qu’une porte de prison relèvera vos empreintes et prendra une nouvelle image de votre tronche, non sans avoir retourné dans tous les sens votre passeport et joué au jeu des sept différences avec la photo qui est dessus. L’attente peut parfois prendre jusqu’à deux heures quand il y a du monde, toujours sympa quand on vient de se manger une douzaine d’heures d’avion. Le cadeau bonus : si vous avez un homonyme qui est connu dans le milieu, genre un traficant mexicain, alors là pas de bol mais vous allez avoir droit à un interrogatoire personnalisé à chaque entrée sur le territoire US. Au moins jusqu’à ce que le vrai gus se fasse arrêter, enfin on l’espère (surtout mon collègue à qui la blague est arrivée en avril dernier). Une fois les questions d’usage expédiées (« tu viens faire quoi dans mon pays, étranger ? ») vous avez le droit de récupérer votre valise et là…
Ah bin non c’est pas fini. Vous vous souvenez le formulaire des douanes ? Il va vous falloir le tendre à un nouveau fonctionnaire qui va y jeter un coup d’œil rapide, et là c’est la roulette. S’il est dans un mauvais jour, qu’il n’aime pas votre bobine ou que ça fait longtemps qu’il a pécho personne, vous êtes bon pour une nouvelle fouille de votre valise. C’est purement à la tête du client, et c’est encore un peu d’attente avant d’enfin sortir de l’aéroport.
Vous vous imaginez que c’est plus facile pour les expatriés détenteurs d’un VISA ? Que nenni. Bon déjà je vous épargne le véritable parcours du combattant qu’est l’obtention du VISA pour peu que l’entreprise qui vous sponsorise fasse ça un peu à l’arrache. Mais ça au moins ça va, c’est pas encore trop mal expliqué sur le site de l’ambassade. Le VISA permet de se passer d’un ESTA, ce qui est toujours du temps de gagné avant le vol.
Par contre, une fois dans le zinc il sera nécessaire de remplir un nouveau formulaire, le célèbre « I-94 » en refilant toujours les mêmes infos que vous avez déjà données des trilliards de fois en remplissant la paperasse pour le VISA : nom, prénom, numéro de passeport… seule petite nouveauté, l’adresse aux USA (il faut bien qu’on puisse vous pister). Une fois arrivé devant les sympathiques agents de l’immigration US, il faudra tendre le I-94 et celui-ci sera découpé en plusieurs morceaux : un pour l’arrivée, un pour le départ, ce dernier sera agrafé sur le passeport en face du VISA avec une date limite au-delà de laquelle vous n’avez en théorie plus le droit d’être sur le territoire américain (logiquement, la date d’expiration de votre VISA). Ce coupon devra être rendu lors du départ hors du territoire américain.
Passons maintenant au gag qui m’est arrivé il y a quinze jours. N’étant pas sûr de savoir à qui je devais rendre le fameux I-94, je me dirige vers le comptoir de ma compagnie aérienne (Air Canada, je faisais Los Angeles – Paris avec un changement à Toronto) et pose bêtement la question. La première de mes interlocutrices me dit que je n’ai pas à m’en soucier. Curieusement, je m’en soucie quand même un peu et je vais voir une deuxième personne, qui m’avoue tout de go n’en avoir pas la moindre idée. Je vais alors en voir une troisième (toujours employée d’Air Canada) qui me dit que puisque je ne pars que quinze jours, c’est pas grave on s’en fout. Je lui rappelle bien que je vais à Paris ensuite parce que j’ai cru lire qu’il y avait des accords USA – Canada pour les séjours de moins de trente jours, donc je flaire le lièvre, je veux être sûr qu’il n’y a bien pas de confusion, elle me dit un peu agacée que non c’est bon ça change rien. Ah bon. J’ai quand même de sérieux doutes, donc une fois à Toronto et alors que l’on passe la douane je demande carrément à l’officier de l’immigration canadienne ce que je dois faire du I-94. Celui-ci me regarde comme si j’étais le dernier des débiles et me demande ce que je veux qu’il en fasse. Je lui réponds que je ne sais pas, que c’est pas clair, que je veux juste savoir s’il n’est pas nécessaire que ce coupon soit enlevé. Il me demande si je veux qu’il l’enlève, toujours en me prenant pour un con. Je laisse tomber. Lors de l’embarquement je présente mon I-94 de façon bien apparente au comptoir, le personnel d’Air Canada s’en fout et me laisse embarquer pour Paris avec mon coupon encore dans le passeport.
Évidemment au retour à Los Angeles quinze jours plus tard ça ne loupe pas, et je me fais gentiment tancer par l’officier de l’immigration US qui bondit en voyant que j’ai encore mon coupon. Je lui explique patiemment (sous des regards noirs) que j’ai essayé de le faire retirer non pas par une, ni par deux, mais par plus de quatre personnes et qu’aucune n’en avait rien eu à secouer. Il m’explique donc à moitié que c’est bien à la compagnie aérienne de récupérer le coupon et qu’il faudra que je les y oblige la prochaine fois, c’est pas du tout merdique comme système. Heureusement que, prévoyant, j’ai rempli un nouveau I-94 dans l’avion ce qui calme un peu mon interlocuteur qui m’explique quand même que pour un truc pareil je risque, oh, trois fois rien, une amende, une interdiction du territoire et même l’annulation de mon VISA. Ambiance.
Du coup, je vais devoir me farcir les formalités pour renvoyer l’ancien coupon en prenant bien le temps d’expliquer que c’est pas par mauvaise volonté que je l’ai toujours… et ça, ça fait toujours plaisir. Bref, BLAME AIR CANADA !