Ce ne sont que de vieux papiers
Bientôt mes parents vont une nouvelle fois déménager. Oh, ce n’est pas la première fois puisque durant mon enfance j’ai pas mal bourlingué ce qui m’a fait visiter plusieurs patelins. Mais pour une fois j’étais vraiment partie prenante de la chose: pour des raisons de place dans leur futur logement il m’a fallu faire un tri parmi mes vieilles affaires, celles qui ne sont jamais arrivées dans mon appartement parisien pour diverses raisons.
J’ai commencé par trier mes bouquins, bédés, mangas, ceux que je garde et que je ramène à Paris (pas des masses, mes bibliothèques meurent de surpoids), ceux que je garde mais qui resteront chez mes parents (le temps d’avoir plus de place pour les ranger chez moi, bien sûr), et ceux dont il a fallu me séparer. C’est là que s’est situé le premier choix un brin douloureux, le moment où la raison doit primer sur l’affect. Mon coeur bien sûr me dictait de tout garder, chacun de ces ouvrages avait une histoire, s’inscrivait au sein de souvenirs bien précis, parmi ceux-ci il y avait en particulier la série 3×3 Eyes, démarrée en 1996 en prépublication dans Manga Player, et dont j’ai ensuite acheté les volumes jusqu’en 2005. En les revendant, je ne me débarrassais pas juste d’une série qu’au final j’achetais plus par habitude qu’autre chose: quand on en est au volume 34 et qu’on sait qu’il n’en reste que 6, on va au bout même quand on n’accroche plus des masses à l’histoire (ce qui, considérant qu’on a pris sept ans dans la tronche, semble légitime). Ce faisant je tirais aussi un trait sur pas mal d’évolutions que l’achat de cette série avait accompagnées. J’ai acheté les premiers volumes de cette série au lycée, entre temps j’ai été étudiant en prépa, en fac, en école d’ingé, puis finalement lorsque je suis arrivé au 40ème volume j’étais salarié. Toute une période de ma vie couverte par cet acte machinal, acheter puis lire vite fait une histoire dont je me balançais un peu sur la fin.
Curieusement j’ai eu beaucoup moins de mal à balancer à la benne mes cours de fac. Aucun affect pour ceux-ci, juste une dimension utilitaire: lesquels suis-je susceptible de relire, à l’occase ? Quasiment aucun, poubelle. Je conserve deux ou trois classeurs qui éventuellement me feront gagner du temps sur une recherche Google.
Deuxième étape, les cours d’école primaire… aucune utilité, mais un affect puissant. Des dessins, des textes, des poèmes que je ne me souviens même pas avoir écrits. Difficile de s’en séparer et pourtant, à quoi peuvent-ils bien me servir ? J’en avais oublié l’existence, je ne les avais pas relus depuis 25 ans, pourtant certains m’ont presque mis les larmes aux yeux. Eh bien, rien que pour pouvoir ressentir de nouveau ce petit pincement quand je les retrouverai dans 25 ans, je les ai presque tous gardés.