Tout pour être heureux
Quand j’étais enfant, j’avais pour voisinage immédiat une blanchisserie sur la gauche, une morgue en face, et un centre gériatrique à droite. Pas de voisins de mon âge, pas de frêres / soeurs, enfant unique, un père qui bossait trop, une mère qui faisait son possible mais avait quand même plein d’autres choses à faire que jouer avec moi, oui, je m’éclatais: j’étais pressé que la rentrée arrive pour retrouver mes copains à l’école, vous imaginez la détresse. Alors évidemment, j’ai bouffé de la télé jusqu’à ras-la-gueule: les séries des années 80, l’Agence tous Risques, K2000, Riptide, Wonder Woman, Sheriff fais moi peur, Tonnerre Mécanique, Magnum, Ma Sorcière Bien Aimée, Supercopter, Mission Impossible, le soir les Champs-Élysées de Drucker, les Sacrées Soirées de Foucault, Lahaie d’honneur du Jean-Luc, Avis de recherche de Sabatier (Patrick, pas Robert), … tout ça, et d’autres.
Et le Club Dorothée.
Le Club Dorothée, c’était quand même l’une de ces émissions dont on se dit qu’on n’en reverra plus jamais de pareilles. Un peu comme on se dit qu’on n’entendra plus jamais d’émissions de radio comme les Débats de Gérard. Le Club c’était Dorothée bien sûr, Ariane, Patrick, Jacky, et mon préféré, Corbier. C’était 5 heures d’antenne par jour, tous les jours de la semaine ou presque, dont une bonne partie en direct. C’était Hokuto no Ken (Ken le Survivant) le mercredi à 14 heures. C’était Saint Seiya (Les Chevaliers du Zodiaque) en version intégrale le mercredi matin, probablement la période de plus grosse audience sur la tranche d’âge des 5 à 17 ans. C’étaient tous ces scandales autour de la violence des dessins animés japonais, sur la nullité des séries AB, sur la stupidité des jeux et la bêtise supposée des animateurs, mais c’était mon enfance, mon univers et celle de milliers d’enfants de ma génération. C’était ma deuxième famille, celle des gens dans le poste, à qui des fois je faisais des signes, mais qui ne me voyaient pas souvent.
En 1997, fin de l’histoire. Le Club Dorothée s’arrète brutalement et nous laisse tous un peu orphelins. Depuis, je découvre que Jacky a continué la télévision. Que Patrick est reparti aux USA. Qu’Ariane travaille toujours dans le milieu, même si elle n’anime plus. Que Dorothée a pris du repos après ces années de travail de folie. Et que François Corbier a repris sa guitare et son métier de chansonnier. Et ses chansons, elles sont merveilleuses. Vraiment.
C’est pourquoi quand je vais aller le voir, vendredi au Buveur de Lune, je me demande si je ne vais pas un peu pleurer quand même. Comme quand on retrouve un vieil ami dont on a pas eu de nouvelles depuis 10 ans et qui nous a manqué. Putain, comme il m’a manqué.