Constat de perte

Dans la catégorie: Pol fiction — kwyxz le 31/08/05 à 9:41

Il est plus ou moins cocasse de constater que mes derniers points de repère sont en train de s’effondrer les uns après les autres. En politique par exemple, je désespèrais de la nullité du Parti Socialiste ces derniers temps et m’accrochais vaille que vaille au NPS d’Arnaud Montebourg, un des rares types pour qui j’avais encore un peu d’estime suite à ses efforts médiatisés visant à amener Jacques Chirac devant un juge.
Mais voilà, il s’attaque à François Hollande en pérorant sur la direction actuelle du PS et ses « huit années de direction qui ont conduit à deux désastres -2002 et 2005- ». Alors je n’aime pas Hollande, mais faudrait quand même voir à ne pas raconter n’importe quoi Arnaud, parce qu’il est un peu injuste d’oublier dans ce cas les trois “triomphes” que furent les européennes, régionales et cantonales…

Rock en Seine 2005 (2)

Dans la catégorie: Humeur,Monte le son — kwyxz le 27/08/05 à 3:34

Deuxième et ultime jour de Rock en Seine 2005. Je retrouve Pomme et Pwyf et nous entrons sur le site avec une motivation sans faille: ce soir, les Foo Fighters jouent. Toutefois, on sent bien que la journée de la veille a été éprouvante et les canapés du stand Heineken nous ont permis de le vérifier.

  1. Un premier concert avec Goldfrapp, ma foi fort sympathique, les danseuses à têtes d’animaux étaient là, du bon son bien électronique comme il faut et une chanteuse à la voix un peu rauque pour cause de mal de gorge, mais qui chante impeccablement bien.
  2. On avait ensuite décidé d’enchaîner avec Baby Shambles, le nouveau groupe de l’ex co-fondateur des Libertines, Pete Doherty, mais le concert a été repoussé de près d’une heure. Nous nous endormons donc devant The Departure, qui fournissent un set de qualité mais la fatigue est plus forte que nous.
  3. Une fois requinqués après cette pause, nous allons bel et bien assister au concert de Baby Shambles qui est une fois de plus en retard. “5 minutes” assure un des roadies, ouais super, bon on attend encore, finalement le groupe arrive enfin et commencer à jouer, et là, c’est la consternation: ils sont tous complètement défoncés, ça crève les yeux, et en plus musicalement c’est quand même super moyen. On se barre assez rapidement, ça suffira, on leur a déjà accordé trop de temps et d’attention.
  4. Histoire d’être bien placé pour le concert des Foo Fighters, nous allons subir quelques minutes de Saïan Supa Crew qui n’avait, en toute sincérité, rien à foutre là. J’aimerais bien savoir ce qui est passé dans la tête du programmateur, je veux bien être ouvert d’esprit et tout, mais franchement, Saïan ils n’ont rien à faire dans un festival rock. Voilà c’est dit. Nous patientons, donc, avant l’arrivée de Dave Grohl et sa bande.
  5. Ils arrivent, et la fosse vire au grand n’importe quoi. Ça pousse, ça bouscule, ça saute, ça pogotte et ça slame. D’ailleurs, je n’en avais pas parlé hier mais s’il y a bien eu un truc qui m’a saoulé cette année, c’était vraiment la légion d’abrutis qui slament de l’arrière du public vers l’avant, bilan on les voit pas arriver, on se les prend derrière la nuque ou on se prend des grosses baffes quand c’est pas des coups de pied en pleine gueule. Résultat, j’ai perdu mes lunettes dans la fosse en fin de concert, je suis ravi, merci bien au gros con qui m’a foutu un coup de pied dans la face en slamant comme un demeuré pendant le rappel. N’oublions pas l’abruti fini qui fumait au milieu de la fosse alors qu’on avait déjà peine à respirer et qui m’a donc logiquement écrasé sa clope sur le bras tandis que j’essayais vaguement de survivre. A plusieurs reprises, je me suis demandé, comme Pomme, si j’allais pas mettre un ou deux pains pour en calmer certains qui faisaient vraiment n’importe quoi, par exemple qui sautaient sur les gens devant coudes en avant, mais l’idée d’une baston générale ne m’attirant pas plus que ça, j’y ai renoncé. En tout cas, une chose est claire, soit je deviens un vieux con, soit les mecs qui étaient présents dans la fosse durant ce concert étaient tous complètement décérébrés et irrespectueux des autres. Faut croire que ça ne leur vient pas à l’esprit qu’on peut vouloir apprécier un concert sans être à 200 mètres de la scène et sans craindre pour sa vie. Le plus dommage, c’est que Grohl et sa bande ont vraiment été bons, qu’ils ont joué pas mal de morceaux du second album, celui qui date de 1997 et qui est également mon préféré, et que sans l’incident des lunettes j’aurais finalement pas été si mécontent que ça. Mais là, c’était la goutte d’eau.
  6. Ensuite nous sommes allés bouffer vite fait en écoutant Robert Plant et puis avons regardé la fin du concert de Franz Ferdinand de loin. Franz Ferdinand, j’ai beaucoup aimé leur premier album durant les deux premiers mois où je l’ai écouté, et ensuite il m’a gavé, je peux plus à part un ou deux morceaux, j’ai saturé, allez comprendre pourquoi. Le deuxième album, aux sonorités strictement identiques au premier et apparemment encore moins inspiré, est bien parti pour suivre le même chemin, peut-être encore plus rapidement. Dommage.

Au final, ce fut un festival sympathique qui va me revenir à beaucoup plus cher que je ne l’avais pensé, mais bon ça, c’était difficile à prévoir. Heureusement, par contre, que les orgas distribuaient des bouchons pour protèger les oreilles à l’entrée parce que le volume sonore des concerts était horriblement élevé, nous sommes tous tombés d’accord là-dessus. S’ils distribuent des bouchons d’un côté, de l’autre ils retirent encore les bouchons des bouteilles et je trouve toujours ça aussi nul. Je vois pas ce qui empêche un débile d’envoyer son parapluie dans la gueule d’un artiste en lieu et place d’une bouteille pleine, et pourtant les parapluies étaient présents en masse, suffisait de voir hier le concert des Subways pour se faire une idée. Bref, ça pue le geste purement mercantile visant à obliger le spectateur à acheter à boire sur le site, et même là on retirera le bouchon sur chaque bouteille vendue. Heureusement, mon camouflage de ninja dans ma chaussure a encore parfaitement fonctionné.
Bref, ce festival était plutôt un bon cru. Le problème vient surtout des demeurés dans le public.

Rock en Seine 2005 (1)

Dans la catégorie: Humeur,Monte le son — kwyxz le 26/08/05 à 2:08

Je vais chroniquer ça en deux parties histoire de récupèrer mes impressions personnelles à chaud. Je rentre donc tout juste de Rock en Seine: je suis pas douché, je pue la sueur, j’ai des fringues dégueu pleines de boue et de bière sur moi, je suis crevé, et en plus il va falloir remettre ça demain. Voilà, comme ça vous avez une idée de mon état.

C’est donc à peine deux heures après un réveil puis un lever chaotiques que je prends la route du métro après m’être ravitaillé en sandwich place de la Nation. Un premier changement puis un deuxième, me voilà sur la ligne 10 à Austerlitz direction Boulogne – Pont de Saint Cloud. Arrivé pile à l’heure du rendez-vous établi avec Trem_r, Pomme et Pwyf, je les retrouve et nous rejoignons la file d’attente pour entrer. Étant déjà venu à Rock en Seine 2003, je m’attendais à me faire subtiliser le bouchon de ma bouteille d’eau: ça n’a pas raté. Tel le ninja, je sors quelques minutes plus tard un bouchon de rechange de ma chaussure gauche que je revisse promptement sur la bouteille avant de la ranger au fond de mon sac à dos. Il me faudra malheureusement user de ce subterfuge une nouvelle fois demain.

  1. Premier concert, The Subways. Mouais. Bof. A la limite, ça aurait pu aller s’il s’était pas mis à pleuvoir assez sévèrement, refroidissant les ardeurs de tout le monde.
  2. Second, Stuck in the Sound. Des jeunes français qui chantent en anglais. Et encore plus fort, qui parlent entre les chansons avec l’accent anglais. Mais qui parlent très mal anglais, les “the” prononcés “ze” dans les chansons ça le fait moyen. On a bien ri. Sinon, musicalement, c’est quand même vachement quelconque.
  3. Ensuite, un saut pour The Sunday Drivers. La nouvelle sensation rock espagnole, paraît-il. Non c’est pas Bebe la nouvelle sensation espagnole, ne me parlez pas de cette daube, merci. Bon bin c’est pas sensationnel non plus. Ah tiens, je connais ce morceau, ça passe à la radio. Mais bon, rien d’exceptionnel là-dedans. Je deviens blasé, ou quoi ?
  4. Un petit détour sur le stand de la sécurité routière pour tester un “simulateur de mec bourré”. On vous met des lunettes qui font tourner le monde dans tous les sens, et vous devez suivre un parcours pour aller récupèrer une balle. C’est assez fun, mais sincèrement, j’ai jamais eu la vue aussi mouvante après une cuite. Space.
  5. Quatrième concert, Flying Pooh, décrits dans le dépliant du festival comme du “Cartoon rock” ou un truc du genre, avec des sonorités “à la frontière entre Tim Burton et Ma sorcière bien-aimée” dixit le chanteur. Déjà, si le chanteur confond Tim Burton et Danny Elfman on est mal barrés. Ouais bon y’a du clavecin, ça doit être ça le rapport, sinon, à part ça… encore un mec qui chante mal en anglais alors qu’il est français. Bon c’est pas terrible, on zappe, direction la grande scène.
  6. The Arcade Fire. Eh bin j’ai vachement aimé, en fait. Ils sont huit ou neuf sur scène, j’ai pas bien compté, avec un batteur hallucinant, parfois remplacé par une demoiselle malheureusement moins talentueuse, un type qui n’a pas l’air de jouer d’un instrument et qui est juste là pour faire le clown, une violoniste qui avait l’air complètement bourrée, on diraît pas comme ça mais c’est vraiment super chouette, je plaisante pas, d’ailleurs je vais essayer d’écouter l’album pour confirmer ma très bonne première impression.
  7. Ensuite, on fonce pour récupèrer des places devant. Josh Homme et ses braves des Queens of the Stone Age vont bientôt arriver et mettre le feu à la foule. Ils font leur entrée, et c’est parti pour un set malheureusement trop court. Les fans sont en délire, ça saute, ça remue, on est ballotés un peu partout, on brasse l’air en espèrant chopper un petit vent frais histoire de faire baisser la température, on patauge dans le sol qui devient de plus en plus boueux. Bestial, et efficace. Une fin de concert brutale sans rappel, timing oblige, qui laisse quand même carrément sur sa faim. Quand c’est bon comme ça, on voudrait que ça dure. On attendait avec espoir Dave Grohl en guest mais non, dommage.
  8. Le clou de la journée, c’était bien entendu le set ultra-attendu des mythiques Pixies. Ne les ayant pas vus à Paris l’an dernier, je dois avouer que j’ai eu un choc en voyant Kim Deal arriver. « Mais euh, c’est une mamie là ! » il faut bien reconnaître que son pull et son pantalon lui donnaient un look très 3ème âge et pas vraiment rock, mais bon. Franck a minci par rapport à mes souvenirs de photos vues à l’époque de Teenager of the Year, faut dire que ça fait 10 ans alors forcément, ça ne nous rajeunit pas. Un set agréable sans grandes surprises et sans grande fougue non plus à vrai dire. Le public était globalement en transe ce qui a sauvé l’ambiance, mais sur scène c’était un peu le service minimum. On sent bien qu’ils ont vieilli, qu’ils se sont reformés parce que les impôts il faut bien les payer quand même, et que plus vite ils auront fini la soirée plus vite ils seront tranquilles à boire une camomille sous une couverture avec une bonne bouillote. Bon OK, j’exagère, mais passer après les Queens of the Stone Age ne les a pas aidés non plus. C’était donc un bon set, mais pas follement exceptionnel. Ils ont quand même fait un rappel, mais d’un seul titre, et ont pris le temps de saluer le public avant de partir, ce qui est tout à leur honneur.

L’anecdote croustillante du voyage retour, c’est quand même le wesh tranquillement installé sur son fauteuil dans le RER qui se fait tailler une pipe par sa copine assise en face de lui. J’avoue, j’ai ri. Et maintenant, douche et dodo, demain sera une nouvelle journée chargée.

Guique

Dans la catégorie: Geekeries,Humeur — kwyxz le 25/08/05 à 0:16

Bon, on a bien ri mais maintenant, on ferme.

Lundi (5)

Dans la catégorie: Écrits — kwyxz le 17/08/05 à 3:14

Ce jour-là, le Monde cessa d’exister. Une lumière intense envahit l’espace, et les rues de Paris prirent l’apparence de l’enfer. L’air disparut en un tourbillon de chaleur de plus d’un million de degrés. Une boule de feu gigantesque engloutit les voitures, les terrasses de café, les arbres, les immeubles, et vaporisa la Seine instantanément. Le nuage de chaleur se propagea à une vitesse folle dans toutes les directions, détruisant tout sur son passage. Un nuage de fumée radioactive colossal s’éleva dans le ciel avant d’atteindre la stratosphère et de se propager sur l’ensemble de l’Europe. Toute vie avait été instantanément annihilée sur un diamètre de plus de quarante kilomètres.
Ce jour-là, plus de six millions de personnes disparurent en moins d’une demie-seconde. Un cratère monstrueux avait maintenant pris la place de la capitale française. La Seine venait s’y jeter et semblait disparaître au fond d’un gouffre sans fin. Parkings souterrains, lignes de métro et de RER n’avaient fait qu’amplifier la profondeur de l’excavation. Aux bordures du cratère, les incendies faisaient rage. Les brûlés se comptaient par milliers, perdant ça et là un bras, une jambe, un oeil, un morceau de peau. Leurs corps mutilés avaient fondu sous l’effet de la chaleur, et l’absence de toute eau à proximité n’aidait pas les équipes de secours arrivées trop tard, beaucoup plus tard, et dépourvues de moyens.
Ce jour-là, plus de quinze millions de personnes moururent quelques heures après que Fei et son collègue Pai, les deux pilotes, eurent accompli leur mission. La France se retrouvait sans aucun commandement: hormis le Ministre de l’Outre-Mer et le Ministre de la Santé, l’ensemble du gouvernement était porté disparu. Le haut commandement des Armées était décimé. Aucune riposte française n’eut le temps d’être mise en place.
Ce jour-là, le gouvernement anglais décida moins de dix minutes après la destruction totale de Paris une attaque immédiate visant la Chine et ses alliés. Quelques minutes plus tard, le gouvernement américain, se basant sur les informations de ses agences de renseignements, lançait une opération de destruction systématique des armes nucléaires chinoises. Trois missiles ballistiques intercontinentaux furent tirés depuis des bases américaines situées non loin du Japon. Deux furent détruits en vol par l’armée chinoise. Le dernier raya Pékin de la carte, coupant court aux rêves fous des dirigeants chinois. La Corée du Nord réagit en attaquant immédiatement le Japon. Tokyo fut détruite cinq heures après Paris, à la minute près. Plus d’une centaine de missiles partirent depuis diverses bases, ayant pour cibles des villes américaines, russes, iraniennes, indiennes, pakistanaises, anglaises, allemandes, espagnoles, israëliennes, sud-africaines, brésiliennes. La Terre s’illumina de mille feux. Le Monde ne fut plus qu’un gigantesque incendie.
Ce jour-là, les poussières radioactives qui se répandirent dans la stratosphère réduirent à zéro la couche d’ozone et instaurèrent en quelques semaines un climat glacial. Les orages et tempêtes se succédaient à une vitesse ahurissante. Des séismes avaient lieu toutes les secondes, partout sur le globe. De gigantesques impulsions électromagnétiques avaient provoqué la destruction du moindre composant électronique. Aucun appareil médical n’était plus fonctionnel. Aucune espèce, animale ou végétale, n’avait plus les moyens de subsister. Les hommes s’étant réfugiés dans les rares abris anti-atomiques disponibles avaient négligé un certain détail: ceux-ci ne permettaient pas de survivre éternellement sans nourriture saine. Il suffit de moins de quatre mois pour que la Terre devienne une planète dépourvue de toute forme de vie.
Ce jour-là, nous avions compris que nous serions les derniers représentants de la race humaine. Nous avions décollé six mois auparavant à bord d’un astronef grand luxe conçu par la NASA. Nous étions vingt-et-un volontaires, de diverses nationalités, pour une mission sans voyage retour. Vingt-et-un doux dingues s’en allant coloniser Mars, et y habiter une base dont les fondations avaient été successivement transportées par plus d’une centaine de vols non habités. Cette base, la NASA avait choisi de l’appeller Crusoë. A vrai dire, je crois qu’il n’y avait pas de meilleur choix. Vingt-cinq ans plus tard, nous sommes désormais cent Robinson à habiter cette base, à nous alimenter de légumes que nous faisons nous-mêmes pousser sous serre via un ingénieux mécanisme de synthèse de l’oxygène. J’ai trente ans. Tu es mon second enfant, mon premier fils, et tu es né hier matin. Je suis Français. Ta mère est Chinoise. En cherchant sans succès à trouver le sommeil cette nuit, j’ai eu peur pour toi. Peur que nous répétions les mêmes erreurs un jour. Peur que notre communauté pour l’instant si paisible ne résiste pas à la folie des hommes. Je sais que les autres qui, comme moi, ont pu voir cet éclair lumineux à la surface de la Terre ce jour-là, à huit heures six minutes heure de Paris, me comprennent et partagent ce sentiment.
Ce jour-là, j’ai décidé que j’aurai au moins un fils à qui raconter cette histoire. Et qu’il se nommerait Lundi.

Lundi (4)

Dans la catégorie: Écrits — kwyxz le 16/08/05 à 15:47

Alors que l’avion amorçait sa descente vers Paris, Fei Wong se remémora les semaines précédentes ainsi que les événements qui avaient causé ce voyage. Depuis plusieurs mois les relations économiques entre la Chine et le reste de l’Europe n’étaient plus des meilleures. La France, plus particulièrement, s’était montrée agressive au possible en fermant ses frontières aux produits chinois. Les Allemands, plus pragmatiques, en étaient restés à un système de quotas, même si ceux-ci allaient vers de plus en plus de rigidité. Les autre pays avaient tous pris des mesures plus ou moins drastiques pour limiter les importations. Pour Pékin, l’humiliation était de taille: qui étaient ces responsables politiques qui prônaient le libéralisme à outrance lorsque le vent étaient favorable, mais devenaient subitement protectionnistes dès lors que leur économie était menacée ? Les règles du jeu étaient faussées. Ce comportement était inacceptable.
Sur le fauteil à droite de Fei, son collègue Pai Mei était relativement nerveux. Le suicide de sa femme deux mois plus tôt suite à la faillite de son entreprise avait mis ce dernier particulièrement à cran. Il but une rasade de whisky. Fei espèra brièvement que la fébrilité de Pai n’allait pas tout faire foirer.
Son supérieur avait été clair: ils n’avaient pas le droit à l’échec, il y avait trop d’argent en jeu. On leur avait promis en cas de succès un avancement considérable. La Chine se devait de récupèrer les marchés européens.
Fei se dit, déçu, qu’il ne pourrait pas visiter Paris. Même si la capitale avait perdu de sa superbe, elle ne devait pas être désagréable à cette époque de l’année. Huit heures pile. Le vol Air China numéro 8859 était maintenant tout proche de l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle. Quelques minutes de retard, mais rien de bien gênant. Le temps était superbe, la journée promettait d’être belle. Le vol n’avait pas été particulièrement désagréable malgré sa relative longueur. Un brin fatigué, Fei commença à bailler mais s’interrompit aussitôt, comme s’il eut craint qu’un de ses supérieurs l’ait vu faire. Il attacha sa ceinture tout en admirant la vue. Pai l’imita rapidement.
Fei éprouvait pour les concepteurs de l’opération un immense respect. Il s’était immédiatement porté volontaire, même s’il savait depuis le début qu’il n’aurait jamais droit à l’avancement promis. Quelques semaines de bricolage avaient suffi pour faire d’un bombardier une réplique quasi conforme d’un avion civil tout ce qu’il y a de plus classique.
L’Europe était devenue un problème préoccupant pour nombre d’entreprises de Pékin ou de Shanghai. Un problème si préoccupant que le gouvernement avait décidé de le traiter à bras-le-corps. La France servirait d’exemple. Les autre pays européens et les américains tenteraient probablement une riposte, mais seraient rapidement écrasés par la puissance de l’armée chinoise. L’histoire avait oublié d’apprendre l’humilité aux États-Unis, la Chine allait s’en charger. Les vaincus achèteraient des produits chinois pour procéder à leur reconstruction. Quant aux autres, ils sauraient à quoi s’en tenir.
Depuis plus de dix minutes, la tour de contrôle de Roissy s’égosillait en leur ordonnant de faire demi-tour, leur serinant que le survol de Paris était interdit. Ils n’avaient pas assez de carburant pour refaire le chemin du retour jusqu’à Pékin, et Fei le savait. Mais Fei savait également qu’ils avaient largement le temps d’atteindre l’objectif. Pai et lui avaient près de quinze ans de pilotage derrière eux, ils étaient convaincus de pouvoir atteindre l’océan Atlantique et de s’y crasher avant de se faire descendre par un avion de chasse de l’armée française.
Huit heures et cinq minutes. Fei échangea un regard avec Pai. Ils déposèrent tous deux une main sur les clefs des boîtiers contrôlant le largage de la charge nucléaire.
Fei commença à compter.
Trois.
Deux.
Un.
Ils tournèrent les clefs.
Ce que Fei ne savait pas, c’est qu’à cette altitude l’explosion d’une charge de cinquante mégatonnes serait tellement colossale que ni lui ni Pai n’avaient une chance d’en réchapper.
Et leur mission fut terminée.

(à suivre)

Lundi (3)

Dans la catégorie: Écrits — kwyxz le 12/08/05 à 10:54

Céline s’installa dans le confortable fauteuil de son bureau et essaya de faire le point sur les derniers événements marquants de sa vie professionnelle et affective. Les deux étaient devenues étroitement liées, à son grand regret. Elle avait toujours essayé de séparer le travail des relations amoureuses, mais ce qui se passait en ce moment la dépassait quelque peu.
Deux mois plus tôt, elle était embauchée en tant que nouvelle secrétaire du directeur de cabinet du Ministre de l’Économie et des Finances. À tout juste vingt-trois ans, à peine arrivée de province, décrocher une place à Bercy lui semblait un vrai rêve. Le métier lui plaisait, elle ne connaissait pas grand monde sur Paris mais espèrait en rencontrer rapidement. Son supérieur, Philippe, était extrêmement sympathique et prévenant. Un peu trop peut-être. Un homme remarquable. Énarque, la quarantaine, marié depuis bientôt quinze ans. Deux enfants, une fille de seize ans et un garçon de douze. Plutôt bel homme, sportif, intelligent. Elle était immédiatement tombée sous le charme. Et il l’avait remarqué.
Il y a huit jours, Céline fêtait son anniversaire, il lui avait offert un pendentif qu’elle devinait être hors de prix. Et lui avait déclaré sa flamme. Sous le choc, elle n’avait su quoi lui répondre, mais dès le lendemain elle cédait à ses avances en acceptant un dîner avec lui. Sûr de son charme, il l’avait raccompagnée jusqu’à chez elle, et ils s’étaient embrassés devant la porte, en pleine rue. Il n’essaya même pas de monter avec elle, elle en avait été presque déçue. Durant la nuit, elle pensa à l’épouse trompée et essaya de se convaincre que ce n’était qu’un baiser et rien de plus, que ça n’irait pas plus loin, qu’elle se devait d’être raisonnable.
Le lendemain, il l’appella dans son bureau, lui demanda de verrouiller la porte. Elle se jeta sur lui et lui arracha deux boutons de chemise en tentant de le deshabiller. Il ne résista pas. Ils firent l’amour sur le canapé de cuir noir qui bordait une fenêtre donnant sur la Seine. Cinquante mètres plus bas, les péniches naviguaient tranquillement sur le fleuve endormi.
Ils firent l’amour tous les jours dans le bureau de Philippe, et progressivement plusieurs fois par jour. Le samedi soir, il l’accompagna jusqu’à chez elle et finit par y passer la nuit. Céline s’était inquiètée l’espace d’un instant: et sa femme ? Ne se douterait-elle pas de quelque chose ? Non, l’avait-il rassurée, elle était en week-end avec les enfants chez ses parents.
Ce petit manège durait maintenant depuis une semaine. Céline avait décidé d’arrèter là avant que tout ne fut découvert et qu’un scandale n’entache leurs réputations à tous les deux. Ils avaient un avenir à protèger. Elle voulait gravir les échelons rapidement. Lui, espèrait devenir ministre d’ici une dizaine d’années. Si leur relation était découverte, nul doute que les rumeurs iraient bon train à Bercy et qu’il lui faudrait démissionner. Sans parler de la douleur que ressentirait l’épouse. Et les enfants, si jamais celà se terminait par un divorce. La culpabilité la rongeait, même si elle avait du mal à regretter ce qu’ils avaient fait. Elle attendait, nerveuse, que Philippe arrive. Elle s’était rongé les sangs toute la nuit en appréhendant sa réaction. Sept-heures cinquante-huit. Il allait arriver. Il était toujours à l’heure, précis comme une montre suisse. Elle s’était levée maintenant et allait et venait dans son bureau en réfléchissant à la meilleure façon d’amener le sujet.
Huit heures. Elle se rassit dans son fauteuil. Il passa devant la porte ouverte de son bureau et lui lança un grand “bonjour”, tout sourires, qui accentua encore le malaise de Céline. Elle fit mine de griffoner quelque chose sur un cahier à spirales, arracha la page et la jeta immédiatement à la corbeille. Elle attendait avec angoisse qu’il l’appelle dans son bureau. Vendredi dernier, ils avaient fait l’amour six fois dans la journée. Peut-être aurait-il envie de battre le record.
Son téléphone sonna. Elle décrocha en tremblant, voyant le nom “Philippe” écrit en toutes lettres sur l’afficheur. Il lui demanda de le rejoindre. À sa voix, elle put l’imaginer le sourire aux lèvres. Elle se leva, traversa le couloir long de dix mètres et pénètra dans le confortable bureau du directeur de cabinet du Ministre. Elle jeta un oeil au canapé en cuir, lieu de leurs ébats coupables. Il la regarda en souriant et lui demanda de fermer la porte.
Elle eut le temps de se dire que sa carrière allait en prendre un coup.
Mais elle n’eut pas le temps de prendre la parole.
Elle n’eut pas le temps de voir les vitres du bureau voler en éclats.
Elle n’eut pas le temps de voir les restes de l’immeuble pulvérisé s’effondrer dans la Seine.
Elle n’eut pas le temps de voir le Monde devenir subitement intensément lumineux et brûlant, comme si dix mille soleils venaient de percuter la Terre de plein fouet.
Et tout fut terminé.

(à suivre)

Lundi (2)

Dans la catégorie: Écrits — kwyxz le 11/08/05 à 12:30

La relève venait d’arriver, et Robert allait maintenant rentrer chez lui. Il assurait le gardiennage de nuit d’une tour du quartier de la Défense. Vingt-deux heures trente, sept heures trente, des horaires lui interdisant toute vie sociale. Robert était divorcé depuis maintenant neuf ans et n’avait jamais cherché à refaire sa vie. Il savait pertinemment qu’aucune femme ne supporterait ce mode de vie qui avait poussé Madeleine à le quitter, emmenant avec elle leurs deux enfants.
Djamal était arrivé dix minutes en avance pour le remplacer. Ils avaient discuté autour d’un café. Quand ils discutaient tous les deux, Robert se disait que finalement il n’avait pas trop à se plaindre. Réfugié politique depuis que l’armée avait pris le pouvoir en Tunisie suite à l’assassinat du roi deux années plus tôt, Djamal avait eu toutes les peines du monde à obtenir un titre de séjour. Le gouvernement français avait fait traîner le dossier pendant des mois, interdisant à Djamal toute couverture sociale, tout revenu, et tout toit. Il avait galèré, de petit boulot en petit boulot, dormant occasionnellement dans de vieux immeubles occupés par les squatters, trouvant refuge sous la chaleur d’une couverture moisie, risquant à chaque instant la morsure d’un rat qui crierait famine. Et puis finalement, grace à l’aide d’un autre réfugié, Malekh installé depuis longtemps et marié avec une française, Djamal avait obtenu sa carte de séjour. Malekh lui avait même dégotté cet emploi de gardiennage à La Défense.
Robert avait proposé une cigarette à Djamal, que celui-ci a poliment décliné. Devant l’étonnement de Robert, il lui avait expliqué qu’il avait une relation avec une femme un peu plus agée que lui, qui avait un enfant en bas âge et qu’il avait décidé d’arrêter de fumer pour lui. Robert n’arrivait pas à donner un âge à son collègue. La trentaine, peut-être ? Pas une mauvaise idée d’arrèter de fumer. Après avoir échangé leurs pronostics sur le résultat du match de l’équipe de France du soir ainsi qu’une poignée de main, Robert prit congé. Il se dirigea vers le parking, au niveau -3 de l’imposante tour. D’un clic, il ouvrit les portes de sa voiture et se faufila à l’intérieur. Une petite demie-heure de route pour rejoindre son domicile et enfin dormir. Sept heures cinquante-et-un. Au plus tard, dans une heure il rejoignait les bras de Morphée et cette perspective l’enchantait: la nuit avait été particulièrement ennuyeuse.
Le hurlement d’une voiture qui freine. Le choc à l’arrière. Robert roulait déjà depuis quelques temps sur le périphérique sud en direction de la porte de Vincennes quand une voiture allemande avait décidé de le doubler. Elle s’était décalée sur la file de gauche, constatant un peu tard que celle-ci était obstruée par un embouteillage. De justesse, elle s’était rabattue sur la file de droite, mais malgré une solide pression sur la pédale de frein, venait de percuter la voiture de Robert. Les deux véhicules roulèrent quelques mètres encore jusqu’à une aire de stationnement, et les deux conducteurs sortirent du véhicule.
Robert resta sans voix devant la beauté de la jeune femme brune qui venait d’emboutir l’arrière de son vieux break. Il jeta un oeil à sa montre en sortant les papiers pour le constat. Heure de l’accident: huit heures et quatre minutes.
Il se retrouva bien embêté quand la jeune brune lui fit comprendre qu’elle ne parlait qu’allemand et anglais. Il tenta de bredouiller quelques mots en anglais pour expliquer qu’il fallait remplir un constat. Le vrombissement des voitures sur le périphérique était assourdissant, et le soleil commençait déjà à cogner.
Et tout fut terminé.

(à suivre)

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