Je suis de loin les rebondissements de l’affaire Guillermito, mis en examen pour avoir, sur un forum de discussion, mis en lumière les défaillances d’un logiciel anti-virus présenté par son éditeur comme un produit révolutionnaire et infaillible. Si vous voulez des détails sur l’affaire, je pense que vous n’aurez aucun mal à en avoir via Google. N’ayant, justement, suivi cette affaire que de loin, je ne puis réellement m’exprimer sur les faits de façon objective puisque j’aurais, je l’avoue, plutôt tendance à pencher en faveur de Guillermito même si ma relative ignorance en matière de détection de virus et de méthodes de protection m’appelle à la prudence.
Si je suis de son côté, c’est surtout après avoir vu les méthodes de l’éditeur n’hésitant pas à le qualifier de fameux terroriste recherché par la DST et le FBI. L’intéressé étant chercheur français expatrié à Harvard, ces affirmations laissent planer comme un lèger doute sur le sérieux de ces gens.
Aussi, j’ai été plus que surpris en lisant le compte rendu sur le site de Maître Eolas de voir le procureur reprocher à Guillermito d’avoir voulu jouer les Arsène Lupin au lieu d’utiliser d’autres voies plus acceptables à ses yeux. Certes, Guillermito aurait pu coder un logiciel concurrent de meilleure qualité, mais:
- Ce n’est, que je sache, pas son job, c’est un hobby, il a peut-être autre chose à faire que coder un anti-virus, c’est autrement plus long que d’exposer les failles d’un produit existant. Si le soft en question avait été open-source, il aurait pu proposer des correctifs, mais là…
- Quand on découvre un défaut de conception dans un produit que l’on possède, quelle loi oblige à concevoir un produit concurrent exempt de ce défaut ? Quel article du code pénal interdit de juste faire remarquer que ce défaut de conception existe ?
Mais l’argument du procureur qui me fait penser que décidément ce pauvre homme ne connaît strictement rien au monde de l’informatique, c’est quand il assène Si Guillermito voulait faire connaître ses doutes quant à un produit présenté comme “l’antivirus absolu”, qu’il soit pigiste dans la presse spécialisée, qui est nombreuse et indépendante. « Tu n’es pas journaliste ? Alors ferme ta gueule. »
Il faudrait donc, dans notre pays, être journaliste pour faire valoir ses remarques ? Serait-il interdit à un particulier de mener un travail de recherche ou d’investigation ? Le procureur sait-il que dans la presse informatique quasiment personne n’a, justement, de carte de presse ? Le procureur se rend-il bien compte que, dans la presse informatique française, quasiment personne n’a le niveau d’expertise nécessaire pour faire ce genre de boulot (et je ne pense pas exagèrer en disant celà, il suffit de dénombrer les conneries qu’on peut lire tous les jours dans des torchons comme PC Expert, SVM et compagnie) ? Avec l’explosion de l’informatique grand public, la presse s’est adaptée, et vole désormais au ras des paquerettes. Elle est, trop souvent, à la solde de ses annonceurs. Elle n’a aucune crédibilité auprès des experts véritables, et n’est désormais qu’une vitrine pour décideurs pressés, incompétents techniquement mais qu’on caresse dans le sens du poil. Comme le dit le Canard Enchaîné, la liberté de la presse ne s’use que quand on ne s’en sert pas. Mais une presse nationale que 3 ou 4 grands groupes détiennent à 99% est-elle réellement libre ? L’Internet permet à tout un chacun de réparer ce déséquilibre et de prendre la parole, chose qui, manifestement, dérange.
Triste démocratie que celle dans laquelle il faut faire partie d’une corporation corrompue ou asservie pour avoir le droit à la parole.