À l’origine, ça partait mal.
– Bon, Romain, t’es sûr que tu peux avoir des places pour le concert ?
– Ouais ouais, pas de souci, ça sera moins cher en plus, t’inquiète, y’a des places qui sont réservées, j’en aurai c’est sûr.
3 mois passent. Nous sommes mercredi soir.
– Alors t’as les places ? Tu te souviens que le concert c’est lundi prochain ?
– J’y vais ce week-end sans souci, y’en aura c’est sûr !
– Ah. Parce que je viens de recevoir un appel de Christophe. Son frêre s’occupe du son du concert.
– Il peut pas te faire entrer gratos ?
– Ben non. Bercy, c’est grand, et plus c’est grand, plus c’est dur de faire entrer gratos.
– Pas de souci de toute façon, j’aurai les places.
– Ok.
Le samedi suivant, un SMS m’annonce ce à quoi je m’attendais déjà.
– Euh bon y’a plus de places depuis super longtemps. C’est mort.
Lundi en rentrant du boulot, moins de 2 heures avant le début du concert. J’appelle Christophe.
– Bon, je crois que c’est mort, j’aurai pas de place. T’as des nouvelles de ton frêre ?
– Il m’a pas encore appellé. De toute façon j’ai un concours vendredi, c’est tendu pour que j’aille me déchirer ce soir.
– Ok. Tant pis.
– Il paraît qu’il reste des places, tout de même.
L’espoir renaît. J’arrive au self. Steeves téléphone au POPB. Oui, il reste des places à 38.50 Euros, même tarif que pour les réservations. Miracle ! Steeves malade, je ne peux compter sur lui. J’appelle tout de même Romain pour la forme mais je tombe sur son répondeur. Je fonce à Nation et saute dans le métro. Il est 20 heures 15. A Bercy, Silmarils est en plein set. Je les louperai. Tant pis.
J’arrive à 20h35 devant le POPB. Trouver les billetteries. Devant moi, une gamine d’environ 16 ans avec un carton “vends une place”.
– Combien, la place ?
– 25 Euros…
– Je prends.
Ça y est. J’ai mon sésame, et je l’ai payé presque 15 Euros de moins que le tarif officiel. Ça rattrappe haut la main l’absence flagrante de chance dont j’ai été victime la veille à Mario Kart contre le gros C0ute. Je me faufile au milieu de la foule et j’arrive en pleine fosse. Je cherche des yeux Bertrand, le frêre de Christophe, au milieu des techniciens. Sans succès. Les lumières s’éteignent. Le deuxième guest de la soirée arrive.
Static-X déboule. Je connaissais assez peu. Efficace. Ça a le mérite de réveiller tout le monde et de préparer la foule à ce qui arriver par la suite. Le chanteur, une espèce de Desireless avec une barbe, essaye de communiquer un peu avec le public, c’est sympa, musicalement sans génie mais largement écoutable. Les premières gouttes de sueur arrivent, je commence à regretter de ne pas avoir pris de bouteille d’eau. Patience, me dis-je, ce sera bien pire après.
Entracte. Le moment de se reposer un peu. Je retrouve Bertrand au milieu de l’équipe technique. Miracle, il a un paquet de bouteilles d’eau. On discute, on rigole. Il est content de voir un visage connu. Il est débordé. À vrai dire, celà ne m’étonne pas. Les roadies installent le matos. Règlage des balances. Bertrand s’est occupé de toute la sonorisation du POPB pour cette soirée. Vu la réverbèration et l’écho que l’on se bouffe la plupart du temps, ça n’est pas une mince affaire. J’avoue que la qualité du son lors du set de Static-X m’a bluffé. Je le félicite. Après tout, si cette soirée est réussie, c’est en partie grace à lui.
Les lumières s’éteignent à nouveau. Ça y est. Je vais enfin les voir en concert, 8 ans après avoir fébrilement acheté leur premier album. Je frissonne tant l’excitation est grande.
David Silveria est le premier à monter sur scène. Tonnerre d’applaudissements. La foule scande le nom du groupe. Head, Munky, et Fieldy arrivent et se préparent. Et, vêtu de son désormais culte kilt noir, Jonathan Davis, leader ô combien controversé mais également ô combien charismatique arrive sur scène. Ce sont eux, devant moi. C’est Korn. La tuerie peut commencer.
Dès les premières notes de Right Now, impossible de retenir la foule. C’est un gig frénétique qui démarre, et chaque hurlement de guitare provoque des ondes de choc à n’en plus finir. La basse de Fieldy cloue tout le monde sur place à chaque grondement, une vague de chaleur semble atteindre nos poumons et coupe notre respiration. Tous les albums y passent. Les morceaux sont impeccablement enchaînés, avec très peu de temps morts. Jon joue avec le public et ceci ne fait qu’échauffer encore un peu plus des fans survoltés. Break Some Off, Got The Life, Here To Stay, Falling Away From Me, Blind, Shoots and Ladders, Freak On a Leash, l’excitation atteint son paroxysme. Je ne sens déjà plus mes jambes, j’ai l’impression de flotter. Les petites gothes volent (le lancer de nains étant interdit, il fallait bien trouver un nouveau jeu – le lancer de gothes est un amusant palliatif). Je manque de pleurer de bonheur en entendant les premières notes d’A.D.I.D.A.S, probablement mon morceau préfèré. Dead Bodies Everywhere, Did My Time, Clown (probablement mon second morceau préfèré, j’ai perdu ma voix pour quelques jours à cause de celui-ci). Sur Kill You, Jon semble donner tout ce qu’il a et terminer à bout de force. Le groupe quitte la scène.
C’était sans compter sur un rappel d’anthologie. Jon redouble de puissance pour scander les paroles destructrices de Faget. Le public s’épuise sur Somebody Someone, qu’il pense être le dernier morceau. Mais les membres de Korn avaient décidé de nous achever, et c’est avec Ya’ll Want a Single qu’ils demandent aux spectateurs de dresser leur majeur. Ce geste n’est pas innocent.
Lessivé, abasourdi, en ruine, mais heureux, je rentre chez moi et bois. Il me faudra du temps pour m’en remettre. Qu’on aime Korn ou pas, force est de reconnaître qu’ils sont en train de laisser une trace indélébile dans l’histoire du rock. Et ils le valent bien.