Démarrage avec K’s Choice, la foule semble limite amorphe alors que le groupe se donne bien. Même sur Not An Addict, ça jumpe moyen, C0ute et moi faisons des bonds démesurés en tentant d’entraîner un mouvement de foule, ça décolle un peu sur la droite, puis finalement des mecs qui s’emmerdaient quelques mètres plus loin au milieu de centaines de moules nous rejoignent et le gig commence à prendre. Ça saute de plus en plus jusqu’au final sans être vraiment énorme, mais ça saute. Pas de rappel.
C’est, à mon grand étonnement, Morcheeba qui va réveiller les foules. Sur Love Sweet Love, les bras se lèvent, s’agitent, et la marée humaine est déchaînée par les riffs et scratches du groupe anglais. Skye Edwards se donne à fond et le public en redemande. Mais pas de rappel.
C’est Beck qui achèvera de mettre le feu à un public déchaîné. Prestation scènique incroyable pour l’éternel gamin, jouant tour à tour de l’harmonica, de la guitare, de l’accordéon ou du synthé. Lorsque les premiers riffs de Loser se font entendre, le public exulte et part pour un gig terriblement festif. Ça jumpe, ça slame, l’ambiance est à son comble. Un enchaînement avec Sex Laws et c’est l’hystérie collective. Un rappel exceptionnel et Beck nous achève avec, entre autres Where it’s at. C’est la fin de journée, il fait encore bien chaud, et tout le monde meurt littéralement de soif.
Toute de blanc vêtue (avec une mini-jupe que l’on qualifiera pudiquement de “ras-la-moule”), PJ Harvey est venue assèner ses riffs survoltés sous le regard admiratif d’un Beck resté à l’affut sur le côté de la scène. Elle a de l’énergie à revendre malgré sa petite taille, et rien à redire, c’est une grande dame du rock, même si sa prestation scènique était un peu décevante: mais bouge, PJ, bouge ! Son jeu est impeccable, mais quel statisme… Dommage. Et pas de rappel.
Le coup final, c’est Massive Attack qui va nous l’assèner. 3D n’est pas venu seul, Liz Fraser interprète un Teardrop de toute beauté après Horace Andy avec Angel. Les morceaux s’enchaînent, le public, conquis, est irrémédiablement attiré par l’écran géant sur lequel défilent des informations désordonnées. Discours pacifiste (Où sont les armes de destruction massive ? Le monde est-il plus sûr maintenant ?), slogans anti-Bush, itinéraire du groupe lors de sa dernière tournée (aucune date aux Etats-Unis, étrangement), coût réel en dollars de divers armements (un missile Patriot couterait près de 84 millions de dollars. Vous avez bien lu), hit-parade des budgets dédiés à l’armée (and the winner is… vous savez déjà qui, avec 400 milliards de dollars), et pendant que le regard se perd dans ces confusions de données l’âme se noie dans un flot musical impeccable, inévitable, et grandiose. Un rappel de près de 20 minutes met fin à ce qui a été, à mon avis, la plus grande et plus belle prestation de ce festival, et me réconcilie définitivement avec les concerts de Massive Attack, après ma déception lors des Vieilles Charrues 1999. Du grand, du beau.
Il reste un petit quelque chose qui me fait tiquer. Ça peut passer pour un détail, mais ça remet grandement en cause l’esprit qui me plaisait tant dans les festivals. Mettons-nous d’accord : je suis entièrement d’accord pour que les buvettes et débits de boissons sur le site pratiquent des prix à la limite du honteux. 2 euros 50 pour une bouteille de 50 cl d’Evian, ça nous fait seulement l’eau minérale 5 fois plus chère que l’essence. Mais soit. Je comprends également tout à fait les soucis liés à l’importation de bouteilles en verre ou de canettes en métal sur un site de festival, et que celà soit interdit à l’entrée et confisqué me semble normal. Je peux également comprendre que les boissons alcoolisées fortes que certains sont tentés de faire passer dans des bouteilles en plastique posent problème. Mais ce que je trouve purement et simplement scandaleux, c’est que la sécurité balance les bouchons des bouteilles d’eau des spectateurs à l’entrée, les obligeant par là-même à consommer rapidement cette eau (tenir à la main une bouteille d’eau pendant un concert, pas passionnant), induisant par la suite de substanciels bénéfices aux buvettes. Oui, c’est un véritable racket, on assoiffe le spectateur pour ensuite mieux l’enfiler avec des tarifs prohibitifs au possible. Je n’ose imaginer comment ont fait ceux qui sont venus avec 2 bouteilles de 1L et pas une thune en poche. Paraît-il qu’il y avait une fontaine avec de l’eau près de la petite scène : non seulement celà fait marcher près d’un kilomètre aller-retour aux personnes qui sont au niveau de la grande scène, mais en plus ce n’est pas indiqué sur le plan. Le pire c’est qu’apparemment ce genre de comportements tend à se généraliser ! J’ai souvenir de festivals comme les Vieilles Charrues 2001 où les orgas et la sécurité distribuaient gratuitement des bouteilles d’eau à la foule. Alors les discours d’intermittents entre 2 concerts qui expliquent que l’État est en train de détruire la culture, j’y adhère à 200%. Mais subir un racket à la soif de la sorte, mesquinerie bassement mercantile et du plus pur style capitaliste de droite, fait perdre quelque peu leur auréole de défenseurs de la culture aux orgas, et n’incite vraiment pas à refaire beaucoup de festivals. Et vu l’agacement général du public hier, je ne pense pas être le seul. Period.