Seed
Il s’en faut de peu parfois pour se mettre à réfléchir. Je ne sais pas si vous allez vous en souvenir, mais il y a eu voici quelques années une pub télévisée pour Malabar qui montrait un petit garçon et son père qui étaient assis sur un banc devant le bureau d’une directrice d’école. Vu l’air turbulent du môme, on imaginait sans peine que le papa avait été convoqué pour avoir droit à un descriptif imagé du comportement de son bambin. Là, je ne me souviens plus bien si c’est le père ou le gamin qui les sort, mais chacun prend un Malabar. Et commence à mâcher. Et fait une bulle. Et c’est pile au moment où les deux bulles éclatent sur les nez du papa et du fiston que la directrice à l’air sévère ouvre la porte.
Ça peut paraître con. Mais si un jour j’ai un môme, putain, qu’est ce que je crève d’envie de faire un truc du genre.
Comme beaucoup, je n’ai pas connu mon père avant l’âge de 11 ans. Quand je me levais le matin, il était déjà au travail. Quand il rentrait le soir, j’étais quasiment couché. Quand j’étais à la maison le mercredi, lui était au travail. Le week-end, il était plongé dans des lectures diverses, bouquins, journaux, ou autres.
Nous nous sommes trouvé des centres d’intérêt en commun. Petit à petit. Au fur et à mesure que je grandissais, il a cessé de me voir comme un simple enfant. Il a commencé à s’intéresser à mes lectures. A la musique que j’écoutais. Aux films que j’allais voir. Parfois, il vient avec moi au cinoche voir des films qui le branchent mais que ma mère ne veut pas voir. J’ai l’impression de juste lui servir d’accompagnateur, mais je m’en fous. Je suis content de sortir un peu avec mon père.
Lorsqu’il y avait une engueulade à la maison, jamais mon père ne prenait mon parti. Par contre, jamais il ne me faisait un reproche directement. Il se contentait d’acquiescer docilement ce que ma mère avait à me dire. Je n’ai jamais supporté ce comportement. Parfois, quand il avait quelque chose à me reprocher, plutôt que de me le dire il en parlait à ma mère. Je crois que celà a contribué à envenimer les relations que j’ai pu avoir avec ma mère depuis que j’ai 13 ou 14 ans.
Quand j’aurai un môme, je voudrais un garçon. Enfin, je voudrais au moins avoir un gars. Je ne dis pas que je ne veux pas de fille. Mais si mon premier enfant est une fille, je crois que je voudrai recommencer jusqu’à avoir un gars. Je veux le voir grandir. Je veux le voir dire son premier mot. Je veux le voir faire ses premiers pas. Je veux le voir souffler ses bougies d’anniversaire. Je veux le voir marquer son premier but au foot avec ses copains. Je veux le voir gagner une bagarre dans la cour de son école primaire, ressortir tout groggy, ruiné de partout, mais content quand même parce que les salauds d’en face ils ont pris encore plus cher. Je veux être complice avec mon fils, pour vivre ce qu’avec mon père je n’ai jamais vécu durant mon enfance, mais que je commence à découvrir. Parce que je pense qu’il s’est rendu compte trop tard de mon existence, et qu’il s’en veut. Parce qu’il a toujours été bouffé par son boulot. Parce qu’en se tuant à la tâche, il a omis sa famille. Mais je sais qu’au fond de lui, tout ce qu’il voulait c’était bien faire. Alors je ne lui en veux pas. Du tout.
Je t’aime, papa.
Everytime, goddam I look at my seed, I see something I can’t be, beautiful and care free, just as I used to be,
Like some goddam fucking freak, I’m so pressured, I’m so worried, something takes a hold on me, something I can’t believe